Publié le 15 décembre 2014
(Québec) L'ancien conseiller politique de René Lévesque, Michel Lemieux, décoche plusieurs flèches à l'endroit du financement «extrêmement hermétique» des communautés amérindiennes et dénonce «le racisme à l'état pur» des réserves.
«C'est très provocateur», reconnaît l'auteur, à propos de son essai Le cul-de-sac des Amérindiens du Québec, en voie de publication et dont Le Soleil a obtenu copie. «C'est un tabou. Les gens ont peur. Les politiciens deviennent vert pâle. Le politically correct est extrêmement puissant.»
Michel Lemieux a longtemps arpenté les couloirs de l'Assemblée nationale, étant chef de cabinet lors du premier gouvernement du Parti québécois de 1976 à 1981 et conseiller politique de René Lévesque de 1981 à 1985. Il a toujours eu un intérêt vif pour les questions amérindiennes. Encore aujourd'hui, il se demande pourquoi ces enjeux font si peu la manchette. «Des fonctionnaires du secrétariat aux Affaires autochtones me racontaient des affaires qui me faisaient dresser les cheveux sur la tête. Mais ils me disaient : "On ne peut pas en parler"!»
Son essai volontairement polémique entend brasser la cage. Sa première cible: les redevances, les avantages fiscaux et autres compensations financières octroyés aux membres des Premières Nations. «Je suis probablement le premier qui a essayé de calculer ce qu'on donne aux autochtones, provincial et fédéral confondus», explique-t-il. «Et ce sont tous des chiffres qui sont publics. C'est ça qui est étonnant.»
Sa conclusion? Les montants sont considérables. «C'est un immense paradoxe. Ça fait à peu près autour de deux milliards de dollars donnés à 16 000 familles au Québec, sur une base raciale. Au niveau des principes, ça me chicote un peu», soutient l'auteur. «Où va cet argent-là? C'est extrêmement hermétique. Par rapport à nos critères politiques de 2014, ce sont comme des boîtes noires au niveau de la gouvernance, du mode électoral, l'utilisation des finances. Tout se fait en catimini. Je n'admets pas ça, que tous les critères qu'on veut appliquer aux compagnies de construction, au ministère des Transports, etc. avec toutes les questions de collusion, dès qu'il est question des Amérindiens, là, il n'y a plus aucun critère!»
Michel Lemieux ne soutient pas nécessairement que les autochtones n'ont pas le droit à ces sommes. «Je ne dis pas qu'on en donne trop. Je dis qu'on en donne beaucoup, beaucoup. Mais le problème, c'est pourquoi entre 15 et 25 % sont pris dans un état de pauvreté?» nuance-t-il. «Il y a quelque chose qui se passe. Cet argent-là ne se rend pas.»
Selon lui, certaines figures d'autorité amérindiennes sont responsables dans bien des cas de détournement de fonds. «On sait maintenant que les chefs s'en mettent plein les poches», avance-t-il, en citant dans son essai plusieurs documents officiels. Les consultants, lobbys et firmes de relations publiques vident aussi les coffres, d'après lui.
Ghettoïsation
L'ancien vice-président de Léger Marketing se questionne également sur les critères permettant à un citoyen d'habiter une réserve. «En 2014, c'est du racisme à l'état pur. Sur une base raciale, interdire à des gens de demeurer dans leur réserve? C'est comme si nous, comme Québécois, comme anciens Canadiens français, on disait: ceux qui ne sont pas Canadiens français de souche, vous n'avez pas le droit de rester au Québec. Ça serait impensable, sur le plan international. Eux, ils font ça.»
Le sociologue de formation souhaite mettre en lumière le choix déchirant de plusieurs jeunes Amérindiens : affronter la pauvreté dans une réserve pour conserver des avantages financiers, ou perdre des sources de revenus en allant dans les centres urbains. «Je suis contre le racisme. Je suis contre qu'il y ait 1 % de la population qui se ghettoïse - qu'on ghettoïse, c'est à discuter - sur une base raciale. Ça, c'est du racisme», analyse-t-il. «Les chefs indiens ont intérêt à cultiver cette ghettoïsation. Comme projet de société qu'ils offrent à leur monde, à leurs jeunes entre autres, je trouve que c'est un cul-de-sac démentiel.» Avec Patricia Cloutier
«Ce qui est en cause ici, c'est l'inclusion dans notre société d'un groupe social que ses élites tiennent à exclure et à ghettoïser dans un apartheid fondé sur la race et le sang.»
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«La pitié est notre premier réflexe mais cela ne conduit à rien de concret.»
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«En d'autres mots, les Amérindiens n'y sont pour rien dans ces immenses malheurs collectifs. Ils ne seraient que de pauvres victimes dépendantes des agissements des méchants "Blancs"... Vraiment?»
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«Les leaders amérindiens nous connaissent et savent exploiter à merveille cette fibre de culpabilité si facile à faire ressortir chez les Québécois, peut-être un reste de notre vieux fond religieux [...] ils cultivent en permanence le sentiment chez les "Blancs" d'être des voleurs de terres, des spoliateurs.»
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«J'ai entendu des fonctionnaires, bien au fait des coulisses des redevances amérindiennes, exprimer l'idée que, dans le futur, une crise profonde des finances publiques aurait au moins comme effet bénéfique d'obliger les politiciens à couper ce gras juteux et abondant qui contribue à saigner nos finances publiques. Pourquoi ne pas le faire avant?»
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«Les politiciens, qui s'écrasent systématiquement devant toute demande amérindienne, semblent s'écraser encore plus profondément lorsqu'il est question des Mohawks criminalisés. Ils ont carrément peur.»