JOURNAL DE MONTRÉAL, PUBLIÉ LE: LUNDI 25 MARS 2013
Le printemps dernier, au plus fort des manifestations étudiantes, Jean Charest et son gouvernement ont adopté le projet de loi 78.
L’effet contesté de cette loi consiste à créer un encadrement que devront respecter les manifestants dans leurs protestations futures. Rapidement, les étudiants en grève et leurs alliés ont crié à la limitation du droit démocratique de manifester.
Le premier geste de Pauline Marois une fois élue a été l’abrogation de cette «odieuse» loi 78. Pourtant, depuis quelques semaines, la police de Montréal semble avoir décidé de mettre fin à des manifestations d’une façon pas mal plus abrupte que tout ce qu’on avait vu l’an dernier. Faut-il s’étonner que Québec solidaire s’en prenne au gouvernement péquiste, l’accusant d’avoir manqué à sa parole en matière de rétablissement du droit de manifester librement?
Aucune cohérence
Je résumerais l’affaire en disant que la gestion du droit de manifester au Québec depuis un an a été inconstante, illogique et ridicule. D’abord, durant le printemps des grèves étudiantes, on a oublié que le droit de manifester existe, mais n’est pas un droit inaliénable. Ce n’est pas un droit qui doit écraser tous les autres : le droit de vivre en paix, le droit d’exploiter son commerce dans des circonstances acceptables, le droit de circuler librement ou le droit de voir sa propriété protégée contre le vandalisme. Parce qu’il faut équilibrer le droit de manifester avec tous ces autres droits, dans la plupart des grandes villes du monde, des règles claires encadrent le droit de manifester. Il faut donc donner son itinéraire, fournir les heures et assurer la sécurité des gens pendant l’événement.
La loi 78 du gouvernement libéral peut être jugée comme étant une provocation politique maladroite au milieu d’une saison mouvementée. D’ailleurs, il semble que cette approche de confrontation n’était pas la voie qu’aurait privilégiée la ministre de l’époque, Line Beauchamp. Mais la loi 78 n’était pas aussi odieuse que le Parti québécois l’a laissé entendre. Elle constituait un cadre de règlement assez semblable à ce qui peut exister ailleurs dans le monde.
S’applique, s’applique pas
Nous vivons ce printemps une curiosité remarquable : la loi 78 est levée et, pourtant, le droit de manifester semble plus restreint que jamais. Comment cela est-il possible? Parce que, cette année, on applique avec plus de rigueur le règlement municipal P-6. Voilà une autre belle farce! Parfois, on applique le règlement municipal, parfois non. Où était donc ce règlement P-6 l’an dernier? Pourquoi n’a-t-il pas été invoqué quand les commerçants étaient à bout de souffle? À Québec, dès les premières manifestations illégales, on a appliqué le règlement rigoureusement. Le calme est vite revenu.
D’ailleurs, l’an dernier, on a dû changer un autre règlement en plein milieu des vagues de protestation. Le changement en question concerne le droit de manifester masqué. Les gens cagoulés, dont plusieurs devenaient des casseurs en cours de soirée, ont forcé la Ville à réagir. Le temps est venu de mettre en place des règles claires et des règles qui seront appliquées en tout temps et en toutes circonstances. Dans des situations tendues, il est absurde de changer les règles en cours de route, il est encore plus absurde de les appliquer par intermittence, au gré de l’humeur du moment.
Le droit de manifester doit exister, mais il doit être balisé afin que soient respectés les droits des autres. Par ailleurs, je me permets de rappeler que le droit de décider doit demeurer entre les mains du Parlement des élus du peuple.