On pourrait regrouper les enfants en difficulté dans des classes spéciales, mais on ne le fait pas.
Résultat : obligés de côtoyer des élèves forts à longueur de jour, les faibles se sentent encore plus faibles.
Et les forts manquent de stimulation et se poignent le beigne.
Bienvenue au Québec.
La chronique de Richard Martineau
Journal de Montréal
06/09/2008
J'ai toujours dit que j'éprouve beaucoup de respect pour les profs. Personnellement, je préférerais ramasser des excréments d'éléphants dans un cirque plutôt qu'enseigner à des p'tits monstres.
Je suis sûr que c'est moins humiliant... Lisez le témoignage suivant, vous verrez ce que je veux dire...
L'HISTOIRE DE DAVE
«Je suis un ex-professeur de 24 ans. Que dire de l'enseignement? Une déception amère.
« J'ai été victime de menaces verbales, d'insultes, de harcèlement psychologique, on m'appelait à la maison pour me crier des noms et j'ai été victime d'une agression physique. Des élèves ont même agressé ma blonde dans un centre commercial pour me faire réagir!
«La situation était telle que j'ai porté plainte deux fois pour harcèlement. Résultat: on m'a évincé de l'école en disant que j'avais des problèmes de discipline!
«J'ai eu des problèmes de santé reliés à l'enseignement et j'ai dû prendre des antidépresseurs en raison du stress occasionné par la besogne. Il m'est arrivé d'expulser des jeunes une vingtaine de fois sur une période de deux ou trois mois!
«J'ai fait de la suppléance pendant un an et cela a consisté à me faire bousculer dans les couloirs, à me faire lancer des trousseaux de clés, des craies, des gommes à effacer... Les élèves n'ont jamais leur matériel scolaire, ils demandent sans cesse des permissions pour sortir de la classe, ils crient, se chamaillent... Quand je disais aux jeunes de se calmer, certains sortaient de la classe et allaient se plaindre à la direction. Et quand j'osais leur donner un avis disciplinaire, ils le déchiraient devant moi en me traitant de pauvre con et d'ostie de cave.
«Quand ce n'est pas les élèves qui nous insultent, ce sont les collègues, car dans la hiérarchie scolaire, le suppléant est au plus bas. C'est à peine si les autres profs nous regardent...
«Le système scolaire actuel est un cancer qui récompense les cancres plutôt que ceux qui veulent réussir.
«J'ai sacrifié les plus belles années de ma jeunesse pour cette grotesque mascarade qu'on appelle l'enseignement. Plus jamais.»
LES VRAIES VICTIMES
Dave dit que le système scolaire s'intéresse plus aux cancres qu'aux élèves qui veulent réussir.
Il n'est pas le seul à m'avoir fait cette remarque. Plusieurs profs m'ont dit la même chose.
«Les profs se retrouvent avec un grand nombre d'élèves qui ont des besoins particuliers», m'a écrit une enseignante. Trouble de comportement, trouble d'apprentissage, trouble de langage, trouble envahissant du développement, déficit d'attention, etc.
«L'intégration, c'est bien beau, mais pas à n'importe quel prix. C'est toute une job de pouvoir analyser les besoins de chaque enfant en difficulté. Or, qui écope, pendant ce temps-là? Les élèves «normaux», qui ne déplacent pas trop d'air, qui sont à leur affaire et qui peuvent se débrouiller seuls. Et aussi ceux qui en veulent plus, qui pourraient aller plus vite. Ces enfants s'ennuient, perdent leur temps et finissent eux aussi par déranger la classe...»
BEAU SYSTÈME
On pourrait regrouper les enfants en difficulté dans des classes spéciales, mais on ne le fait pas. Pourquoi? Parce qu'on ne veut pas créer de hiérarchie.
Résultat: obligés de côtoyer des élèves forts à longueur de jour, les faibles se sentent encore plus faibles. Et les forts manquent de stimulation et se poignent le beigne.
Bienvenue au Québec.