Crise sociale : La peur de passer à la caisse

JOANNE MARCOTTE - 21 JUIN 2012

NathalieElgrably 

Très bon texte de Nathalie Elgrably ce matin. Je partage sa théorie à cinq sous. Enfin, presque. Je diffère d’opinion sur le fait que les camps gauche/droite « aient toujours existé » (particulièrement au Québec), et également sur le fait que la crise sociale actuelle soit l’expression d’un conflit intergénérationnel.

Je suis plutôt d’avis – et je suis certaine qu’elle sera d’accord avec moi – que nous baignons depuis plusieurs décennies dans une pensée qui privilégie des solutions misant sur le Gouvernemaman, un modèle social-démocrate de centre-gauche qui n’a plus les moyens d’assurer sa propre survie. (Et oui, en passant, Monsieur Arcand, Pauline Marois est bel et bien située à gauche).

Je suis également d’avis que ce que nous voyons dans les rues n’a rien à voir avec un conflit intergénérationnel. Je ne le dirais jamais assez puissamment: les jeunes qui sont dans la rue veulent, au contraire, obtenir et préserver les privilèges de leurs parents. En cela, ils sont les dignes héritiers d’une culture de la gratuité et de la dépendance que leur ont bâti leurs parents et grands-parents. Malheureusement, nous sommes, toutes générations confondues, bel et bien accros à l’État!

Pour le reste, je suis totalement d’accord avec l’opinion de Nathalie et j’endosse tout à fait sa « théorie à cinq sous ».

Il y a, je crois, dans cette crise sociale, l’expression d’une peur légitime: celle de devoir s’adapter à un changement de régime.

« À chaque élection, les politiciens ont acheté des votes à coups de politiques publiques inabordables qu’ils ont financées à crédit. Aujourd’hui, la fête est terminée. L’État n’a plus les moyens de ses ambitions et une aire d’austérité semble inévitable. On ne peut plus refiler la facture au suivant, c’est le moment de passer à la caisse. » – Nathalie Elgrably

Les Québécois ne sont pas les seuls à le réaliser. Partout en Occident, les gouvernements doivent contenir l’explosion de leurs dettes souveraines. Comme l’exprime très bien Nathalie, « la fête est terminée ».

GoldenDawnSupporters

Bien sûr, on se fera croire pour un temps, qu’on règlera  tout ça en allant dans la rue et en jouant de la casserole. On se dira qu’on se bat pour la liberté d’expression, contre la corruption, contre la loi 78, etc. On se dira qu’un changement de gouvernement nous ferait grand bien et peut-être bien que cela aurait effectivement un effet calmant…. pour un temps.

Mais cet effet calmant, j’ai bien peur, ne sera que temporaire, d’autant que les dernières semaines nous ont révélé l’existence de groupes bien résolus à semer la discorde et à s’en prendre à nos institutions démocratiques. Nous voilà, oui, aux prises avec des groupes anarchistes. Ils ne disparaîtront pas aux lendemains de la prochaine élection. Une nouvelle réalité québécoise? La prochaine étape est-elle la montée du fascisme au Québec? (Lire The New Fascism du Macleans).

Bref, il semble que nous n’ayons au Québec, ni le leadership politique, ni la volonté de redresser la situation par nous-mêmes. Les uns blâmeront l’épuisement de l’État; les autres, la difficulté des économies locales à s’adapter à la globalisation des marchés. Dans les deux cas, la nouvelle réalité insécurise, déstabilise et fait peur. Nous sommes peut-être, oui, encore trop dans le confort et l’indifférence, et nous aimerions bien rester encore quelque temps dans les bras de l’État bienveillant.

En fait, en visionnant le merveilleux film de Denys Arcand en fin de semaine (j’ai aidé la plus grande de mes petites filles à préparer son examen d’histoire de fin du secondaire 3), je réalisais une vérité inéluctable.

Qu’ironiquement, les souverainistes de 1980 et de 1995 et les réformateurs du modèle québécois d’aujourd’hui doivent malheureusement partager un même constat. Comme l’énonce Machiavel dans Le Confort et l’indifférence, les réformes ne peuvent survenir qu’en temps de crise.

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