DEVENIR UN PSEUDO-ANARCHISTE EN HUIT ÉTAPES FACILES

SEBASTYEN DUGAS

Extraits :
Critiquer le capitalisme sur un téléphone conçu par l’une des plus grandes entreprises capitalistes ayant existé
ne devrait pas être un frein à votre envie d'être un pseudo anarchiste.

1. VOUS ÊTES PEUREUX ? PAS GRAVE 

En groupe vous faites des choses que vous ne feriez pas si vous étiez seul. Provoquer les policiers, provoquer des gars beaucoup plus costauds que vous, bloquer la route à des voitures. Mais ce n’est pas tout, avec l’arrivée des téléphones cellulaires et de You Tube, c’est le Saint Graal. 
 
Maintenant, non seulement vous pouvez utiliser la protection du groupe ... mais vous pouvez aussi utiliser la vidéo pour menacer ceux que vous harceler. Comme c’est merveilleux.
 
Je sais ce que vous allez me dire. « Oui mais d’avoir un téléphone intelligent et utiliser l’internet et You Tube, ce n’est pas aller contre tout ce que le mouvement anarchiste prône ? » Oui mais vous êtes un pseudo anarchiste vous vous rappelez ? Alors on ne va pas s’enfarger dans les fleurs du tapis pour des détails de logique et de cohérence. 
 
Critiquer le capitalisme sur un téléphone conçu par l’une des plus grandes entreprises capitalistes ayant existé ne devrait pas être un frein à votre envie d'être un pseudo anarchiste.
 

2. UTILISEZ DES TERMES QUE VOUS NE MAITRISEZ PAS MAIS QUI FRAPPENT

Y a des mots clés qui frappent. Des gestes même peuvent être utilisés sans aucun scrupules parce qu’après tout, vous êtes un anarchiste donc, pas de loi. C’est beau hein ? Parlez de capitalisme, de néo-libéralisme, d’impérialisme et autre chose finissant en –isme qui semble effrayant. 
 
Évoquez la désobéissance civile, la résistance et l'ordre et vous aurez presque l'air crédibles. Faites du name-dropping: Martin Luther King, Rosa Parks, Ché Guevara. N'ayez pas peur, y en a plein.
 
Citez Gandhi, Sun Tzu et tout autre homme historique respecté et distortionnez leurs meilleures citations pour les accoler à votre cause. N'importe qui qui connait l'histoire et les contextes vous trouverons ridicules ...
 
Bien sûr si je vous faisais un quiz là, à brûle pour point, sur ce que veulent dire ces mots, vous seriez tellement à côté de la track que vous ne verriez plus le train passer. Mais encore une fois, des détails. Vous n’avez pas de comptes à rendre à personne, c’est ça la beauté de l’affaire.
 
Écoutez bien, vous vous demandez jusqu’où vous pouvez aller ? Vous ne le croirez pas. Le salut hitlérien ! Oui oui je vous jure. Vous le faites et quelques idiots vont vous condamner sur les médias sociaux mais c’est tout. On n’est pas en Allemagne où vous pourriez vous faire emprisonner pour ce geste dégradant. 
 
Vous êtes au Québec. L’endroit où on vous donne 45 avis que votre manifestation est illégale avant de prendre les mesures plus féroces pour vous faire partir. Vous êtes au Québec où on créée une loi spécialement pour vous mettre des bâtons dans les roues, spécialement vous visant VOUS et votre groupe, mais où les policiers ne l’appliquent pas. Vous êtes morts de rire ? Moi aussi.
 

3. ENTRETENEZ LES THÉORIES DU COMPLOT

Ce point-ci est très très important alors soyez attentifs. Établissez des complots partout ! C’est facile parce qu’encore une fois vous n’avez pas de preuves à donner. Vous n’avez qu’à le mentionner et vous réfugier derrière pour justifier toutes vos actions. 
 
Des exemples ? Facile. Prétendez que tous les médias d’un organisme de presse font partie d’un grand complot global contre vous. Exemple La Presse, ou le Journal de Montréal ou les deux, who cares ?
 
Donc prétendez que parce que Desmarais a reçu le premier ministre Charest dans son domaine, que tous les journalistes sont contrôlés par lui et écrivent ce qu’il demande. Enlevez tout cerveau, tout éthique et toute fierté personnelle aux journalistes, ils sont les petits chiots de Desmarais, ils le sont tous. Ils se sont fait
« brainwasher » par Desmarais avec un ingrédient dans l’eau de la bâtisse de la rue Saint-Jacques.
 
Voici un exemple de rapprochement facile que vous pouvez faire pour justifier des complots. La station de radio 98,5 à un animateur vedette qui s’appelle Paul Arcand, son frère Pierre Arcand a déjà été à la tête de Corus Québec qui avait 98,5, Pierre Arcand est ministre du gouvernement Charest, le 98,5 est donc l’objet de propagande du Parti Libéral. BOUM ! Facile hein ?
 
Vous pouvez faire plein de théories du complot comme ça facilement et sans devoir le prouver parce que ? Hé oui, vous n’avez pas à vous préoccuper des faits. Dites n’importe quoi et faites le salut hitlérien, vous êtes un anarchiste.
 

4. PLUS VOUS CRIEZ, PLUS VOUS AVEZ RAISON

Quand un journaliste vous interview ou quand vous appelez dans les lignes ouvertes, parlez fort. Parce qu’une grosse conception dans le monde anarchiste est que plus on crie, plus on a raison. Celui qui crie le plus fort possède la vérité. Il est donc important de :
 
- Parler plus fort que votre interlocuteur
- Lancer des mots clés du point 2
- Sacrez
- Ayez l’air choqué choqué
- Soyez agressif
- Ne vous laissez pas interrompre et terminez votre cassette
 
Il y a une convention dans la société moderne où une personne prend la parole, l’autre écoute. Ensuite celui qui écoutait rétorque et celui qui parlait écoute. Plus maintenant. Vous parlez, les autres écoutent. Ce n’est pas une discussion, c’est un monologue. Vous êtes Yvon Deschamps mais sans le côté comique. Quoi que parfois vous direz tellement d’absurdités que les gens partiront à rire devant vous mais ne vous laissez pas décontenancer.
 
Continuez, criez et terminez ce que vous avez à dire même si l’autre tente de prendre la parole.
 
Quand on n’a pas d’argument, c’est la meilleure façon de sortir indemne d’une « discussion ». Si vous êtes dans une ligne ouverte, raccrochez après avoir appelé sans attendre la réplique. Ça met tout le monde en crisse et vous croyez vraiment être un anarchiste. 
 

5. AYEZ PEUR DE VOS OPINIONS EN VOUS DÉGUISANT

 
Bon, tout pseudo-anarchiste doit au moins se procurer le « starter kit » du parfait anarchiste. Après tout, vous êtes un peu wacko mais pas totalement inconscients. Vous n'allez pas aller vous montrer votre face à la télé et faire honte à votre grand-mère. Vous devez donc au minimum vous procurez :
 
1. Le sac à dos
2. L’anorak
3. Les lunettes de ski
4. Le foulard ou bandeau
 
Ça c’est votre kit de départ. Vous pouvez acheter ça dans n’importe quel commerce capitaliste sale. Si vous voulez être plus « hardcore », achetez-vous des Doc Martens et mettez 7-8 boules de billard dans votre sac à dos. Ne demandez pas pourquoi, vos Kamarades vous le diront.
 

6. INSULTEZ CEUX QUI NE PENSENT PAS COMME VOUS

Il est de bon ton d’insulter les gens qui ne pensent pas comme vous. Je sais que vous aurez tendance à dire « Je respecte ton opinion mais… » NON ! JAMAIS ! Vous allez le traiter d’imbécile, de crétin et d’être à la solde de Charest et des Libéraux. Vous allez le traiter de capitaliste sale. C'est tu clair ?
 
Il est important aussi de tenter de les culpabiliser en disant des choses comme « Au moins nous on tente de changer les choses », ou encore « C’est ça, restez la tête dans le sable » ou autre sottise du genre. Bien sûr vous n’avez aucune idée de ce qu’ils font mais vous assumez. C’est bien plus le fun. 
 
Probablement qu’ils font 40 fois plus pour la société et pour l’avenir du Québec que vous mais ce n’est pas vraiment important. Ce qui importe c’est le poids des mots. Si vous les insultez sur Twitter, n’oubliez pas de les bloquer et déclarer comme spam. Jouissif.
 

7. NE PRENEZ AUCUNE RESPONSABILITÉ POUR VOS GESTES

Vous vous demandiez où était le plus grand plaisir dans le fait d’être un pseudo-anarchiste ? Nous y sommes. Vous pouvez faire tout ce que vous voulez et ensuite jouer à la victime.  Vous pouvez même casser tout et vous justifier avec des arguments qui n’ont aucun rapport avec vos gestes.
 
Brisez des voitures, des vitrines de magasins mais surtout, SURTOUT de banques, ce symbole du capitalisme. Si les policiers vous attaquent, alors vous criez à la brutalité policière, vous pleurez devant les caméras les yeux rougis par les gaz lacrymogènes. Ça fesse.
 
Votre force est double : Vous êtes jeunes (et supposément étudiant), et vous vivez dans une province matriarcale. Aussi incroyable que ça puisse paraître, brailler devant la caméra que les policiers vous maltraitent va fonctionner avec beaucoup de monsieur et de madame qui vont se laisser attendrir parce qu’ils ont un fils de votre âge ou une nièce. 
 
Mettez le fait de briser des fenêtres sur comment Charest est corrompu. Brisez des voitures d’honnêtes citoyens parce que les policiers vous bousculent, mettez le feu partout parce que, que sais-je ? Scott Gomez est encore à Montréal. N’importe quoi pour vous dédouaner fera l’affaire. 
 
Ha oui n’oubliez pas de crier à la dictature, au fascisme et à l’état policier. Je sais que ça n’a pas d’allure mais ça fonctionne. Trust me.
 
Ce qui m’amène au dernier point. 
 

8. RÉÉCRIVEZ LE CODE CRIMINEL ET LES FONDEMENTS DE LA DÉMOCRATIE

Vous allez me traiter de fou mais je vous jure que cet argument est utilisé souvent avec plus ou moins de succès.
 
Reniez les lois ou les principes démocratiques à votre avantage. Je suis très sérieux.
 
Une loi ne fait pas votre affaire ? Faites comme Jean-François Harrison: ne la reconnaissez pas.
 
Pousser l’audace jusqu’à ne pas reconnaître la cour est d’étirer la sauce mais bon, pourquoi pas. Vous n’avez rien à perdre. Non littéralement à part votre iPhone et quelques fins de semaine, qu’avez-vous à perdre ? Rien.
 

Justifiez d’enfreindre des lois parce que vous n’êtes pas d’accord avec son existence. Ne respectez pas des principes démocratiques comme par exemple si le PLQ est réélu, vous n’allez pas respecter le vote. La démocratie c’est pour les mauviettes. C’est votre démocratie qui compte, pas celle de votre société. Vous êtes contre la société remember ?

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