Ban Ki-moon dénonce les tentatives de certaines factions locales de former des milices
NEW YORK, de Sylviane ZEHIL
Le sixième rapport semestriel sur le suivi de l’application de la résolution 1559 du Conseil de sécurité a finalement été rendu public hier après plusieurs jours de retard. Dans son rapport, rédigé par l’émissaire de l’ONU pour l’application de la 1559, Terjé Roed-Larsen, le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, a notamment dénoncé le réarmement du Hezbollah, soulignant que la transformation de ce dernier en parti politique « conformément à l’accord de Taëf, constitue un élément-clé du rétablissement de la souveraineté et de l’indépendance politique du Liban ». M. Ban a d’autre part appelé les partis politiques à « cesser immédiatement tout effort de réarmement et tout entraînement au maniement des armes et à recourir plutôt au dialogue comme seule méthode viable de résoudre l’actuelle crise politique ». Le rapport exige dans ce cadre le désarmement et le démantèlement de toutes les milices libanaises ou étrangères opérant au Liban. Le secrétaire général a invité sur ce plan la Syrie et l’Iran à collaborer au désarmement du Hezbollah.
Le rapport reprend en outre en détail la lettre adressée le 8 octobre dernier à l’ONU par le Premier ministre Fouad Siniora qui met notamment en évidence les liens tissés par l’organisation terroriste Fateh el-Islam avec les services de renseignements syriens.
En ce qui concerne l’élection présidentielle, le rapport souligne qu’à aucun moment depuis la fin de la guerre civile en 1990, le Liban n’a pu tenir une élection présidentielle « sans amendement constitutionnel et sans ingérence étrangère ». Il affirme que « cette fois, après le retrait des troupes et des services spéciaux syriens, les Libanais ont la possibilité » d’y parvenir lors de la prochaine élection. Ce serait, dit-il, « un tournant sur la voie de la réaffirmation de la souveraineté, de l’intégrité territoriale, de l’unité et de l’indépendance politique du Liban », qui est l’un des objectifs de la résolution 1559. Le secrétaire général estime par ailleurs « inacceptable » que de nombreux députés soient contraints de « résider à l’étranger ou de se cacher dans leur propre pays, entourés de mesures de sécurité draconiennes ».
Nous reproduisons ci-dessous des extraits du rapport en question :
«En dépit de la situation générale de crise politique et d’instabilité, le gouvernement libanais a continué à faire des progrès dans les domaines de l’extension de son autorité sur l’ensemble du territoire, du désarmement et du démantèlement des milices, de l’affirmation de la souveraineté, de l’intégrité territoriale et de l’indépendance politique, en particulier avec le succès de la bataille contre le groupe Fateh el-Islam, à Nahr el-Bared. Toutefois, l’émergence de Fateh el-Islam, l’état précaire de la sécurité et le marasme politique qui se prolonge soulignent que les défis lancés à la souveraineté, à l’intégrité territoriale, à l’unité et à l’indépendance du Liban sont toujours aussi forts. La résolution 1559 doit donc toujours être appliquée intégralement (…).
« Empêcher que l’embargo sur les armes ne soit violé est un élément vital du respect de la souveraineté libanaise (...) prévu dans la résolution 1559. J’ai à nouveau obtenu de la part d’États de la région des informations qui semblent confirmer les allégations que la Syrie facilite le flux d’armes et de combattants à travers la frontière syro-libanaise. La Syrie a continué à nier tout participation dans la violation de l’embargo sur les armes dans des lettres identiques datées du 16 juillet 2007 adressées par son représentant permanent au secrétaire du Conseil de sécurité et à moi-même (...). Selon des indications disponibles, des empiètements à la souveraineté du Liban continuent de se produire. Dans une lettre qu’il m’a adressée le 8 octobre 2007, le Premier ministre du Liban m’a communiqué des informations obtenues par les autorités libanaises grâce aux interrogatoires auxquels ont été soumis des membres de Fateh el-Islam capturés ou grâce à des documents saisis. Ces informations, indique le Premier ministre, montrent clairement qu’il existait un complot soigneusement établi, un complot sérieux et à large échelle, pour prendre le contrôle d’une grande partie du Liban-Nord, déstabiliser le pays tout entier en bombardant des bâtiments officiels et des installations économiques, lancer des attaques contre la Finul afin de menacer les pays membres et de compromettre l’application de la résolution 1701.
« Le Premier ministre (libanais) a ajouté que l’information appuie clairement les soupçons qui affirment que les plans de Fateh el-Islam étaient liés aux efforts continus pour renverser le gouvernement démocratiquement élu, compromettre l’élection d’un nouveau président, créer des conditions qui entraveraient les progrès visant à l’établissement du tribunal spécial (...). L’Onu n’a pas les moyens de confirmer de façon indépendante les informations du Premier ministre.
Fateh el-Islam et les liens avec les SR syriens
« Selon le Premier ministre du Liban, les informations obtenues par les autorités libanaises à partir de l’interrogatoire de détenus du Fateh el-Islam capturés et de documents saisis indiquent que les combattants de Fateh el-Islam venus illégalement de Syrie, ainsi que leurs chefs, sont entrés par la partie de la frontière contrôlée par le FPLP-CG (NDLR : d’Ahmad Jibril) dont le QG se trouve à Damas. Comme l’a écrit le Premier ministre, il est bien connu que le FPLP-commandement général et Fateh el-Intifada (qui contrôle une autre section de la frontière syro-libanaise) ont tous deux installé des bases du côté libanais de la frontière et sont clairement associés, appuyés et approvisionné en armes, munitions et vivres, par la Syrie.
« Toujours selon les indications contenues dans la lettre du Premier ministre et en base des informations obtenues par les autorités libanaises sur base de l’interrogatoire des détenus de Fateh el-Islam et par des documents saisis, le gouvernement libanais affirme en outre que les circonstances entourant la libération du leader de Fateh el-Islam, Chaker Absi, de prison en Syrie et la façon dont ses déplacements et ceux des recrues de Fateh el-Islam entre la Syrie et le Liban ont été facilitées par Fateh el-Intifada en Syrie, au Liban et entre la Syrie et le Liban, ainsi que la manière pacifique avec laquelle Fateh el-Intifada s’est reprogrammé, livrant ses bases et ses ressources pour muter et devenir Fateh el-Islam prouvent clairement l’existence d’un plan délibéré et soigneusement établi, qui n’aurait pu se produire sans l’assentiment et la bénédiction des parrains de Fateh el-Intifada, à savoir les services de renseignements syriens.
La lettre du Premier ministre ajoute que le lien direct entre certains chefs de Fateh el-Islam et certains hauts gradés des SR syriens, révélés par certains interrogatoires, corroborent les soupçons que les SR syriens ont utilisé Fateh el-Islam au service de leurs objectifs politiques et sécuritaires au Liban.
« La lette du Premier ministre indique en outre que selon les informations disponibles, des quantités significatives d’armes transférées de Syrie au cours de la guerre de juillet 2006, et probablement aussi par la suite, ont été livrées à certaines parties ayant des liens très étroits avec la Syrie au Liban, dans le contexte plus général du réarmement de certains partis et milices. Dans une lettre datée du 19 octobre 2007, le vice-ministre syrien des AE a énergiquement rejeté ces assertions (...) qu’il a qualifiées de“ désinformation” (...). La lettre affirme que la Syrie est prête à établir des relations diplomatiques pleines et entières avec un gouvernement libanais qui serait garant des relations amicales avec la Syrie plutôt que de relations hostiles comme c’est le cas aujourd’hui avec le gouvernement Siniora. »
Appui au gouvernement légitime
Et le rapport de poursuivre : « Le Conseil de sécurité, dans ses déclarations présidentielles du 11 juin 2007 et du 3 août 2007, a réitéré son soutien au gouvernement légitime et démocratiquement élu du Liban, il a appelé au respect total des institutions démocratiques de pays, conformément à la Constitution. Il a aussi condamné les actions visant à déstabiliser le Liban. Au cours des six derniers mois, dans le contexte de la crise politique libanaise, le gouvernement a été empêché d’étendre son autorité sur la totalité du territoire. La légitimité constitutionnelle du gouvernement est restée contestée par l’opposition et par le président Lahoud. La précarité des conditions de sécurité au cours des six derniers mois a aussi forcé plusieurs membres du Parlement à résider en permanence à l’étranger ou à s’exclure de leurs propres électeurs, sapant ainsi les institutions démocratiques libanaises et l’exercice continu de la fonction politique. La série des assassinats politiques a entravé le fonctionnement régulier des institutions de l’État. Malgré ces limitations, le gouvernement libanais et les forces armées libanaises ont effectué un progrès significatif pour étendre l’autorité du gouvernement sur tout le territoire libanais et dans le but de désarmer et de dissoudre toutes les milices libanaises et non libanaises et ceci grâce à leur combat réussi contre Fateh al-Islam.
« Dans ce contexte, j’appelle à nouveau les pays donateurs à aider l’armée libanaise à remplir ses obligations concernant le contrôle de la totalité du territoire et à aider le gouvernement démocratiquement élu d’avoir l’usage exclusif de la force dans tout le pays, conformément à la résolution 1559. L’urgence de mon appel est étayée par la bataille de Nahr el-Bared qui a mis l’accent sur les besoins substantiels de l’armée libanaise, concernant l’entraînement, les armes et les munitions. Les assertions faites par le gouvernement libanais sur les armes, les munitions et les personnes qui entrent au Liban à travers la Syrie mettent l’accent sur l’importance du tracé de la frontière libano-syrienne.
« Alors que le gouvernement libanais a effectué d’importants progrès dans le démantèlement et le désarmement de Fateh el-Islam par le biais d’une bataille précise et déterminée, ce gouvernement continue toutefois de faire face à des défis non moins négligeables. Ces défis concernent l’existence et la menace représentée par les autres milices tant libanaises que non libanaises, qui continuent d’exister au Liban (…).
« Les camps de réfugiés palestiniens continuent de poser un défi majeur pour la stabilité et la sécurité au Liban. Les tensions ont augmenté entre les réfugiés palestiniens et certaines parties de la population (...). Mis à part le groupuscule Fateh el-Islam, d’autres groupes ont vu le jour à l’instar de Jound el-Cham et Isbat el-Ansar (...). Globalement néanmoins, l’OLP et le Fateh continuent de contrôler la plupart des camps de réfugiés et continuent de freiner l’influence et l’activité de ces groupes. Le 4 juin dernier, des violences ont éclaté dans le camp de réfugiés de Aïn el-Heloué (...) Jound el-Cham, qui est connu pour ses affinités avec el-Qaëda et pour ses liens avec la Syrie, était impliqué dans ces incidents (...) ces violences, malgré les craintes, ont rapidement été endiguées.
Le réarmement du Hezbollah
« J’ai reçu des informations supplémentaires des États membres régionaux soulignant que le FPLP-CG a assuré un support logistique à Fatah el-Islam durant son combat contre les autorités libanaises, reste en alerte et prépare d’éventuelles opérations. Selon ces informations, le FPLP-CG continue également à maintenir des liens particulièrement étroits avec la Syrie et le Hezbollah et reçoit du matériel et de l’entraînement de l’Iran (…).
« Le gouvernement du Liban a fourni aux Nations unies des informations concernant la saisie d’un camion de roquettes de type Grad, d’obus de mortiers, des munitions pour des fusils-mitrailleurs et des mitraillettes appartenant au Hezbollah, saisis le 5 juin 2007 sur un barrage de l’armée libanaise à Douriss, près de Baalbeck, dans la vallée de la Békaa, à quelques kilomètres de la frontière. Ces armes étaient transportées vers le pays. L’incident semblait être similaire à celui qui a eu lieu le 8 février 2007.
« J’ai reçu de nouvelles informations du gouvernement d’Israël et d’autres États membres selon lesquelles le Hezbollah a reconstruit et renforcé ses capacités militaires en comparaison à ce qu’elles étaient avant la guerre de juillet-août 2006. Selon ces informations et déclarations faites par les leaders du Hezbollah, le mouvement prétend avoir“ deux fois plus de personnes qui s’inscrivent pour l’entraînement”.
« Les informations que j’ai reçues soulignent également que le Hezbollah a compensé toutes les pertes survenues durant la guerre l’an dernier, comme il a établi un réseau sûr de communications. Le maintien par le Hezbollah d’une infrastructure d’armes et de communications qui sont indépendantes de l’État a des effets opposés aux efforts du gouvernement du Liban pour établir son contrôle exclusif sur l’ensemble du territoire libanais, conformément aux dispositions de la résolution 1559.
« L’éventuel désarmement du Hezbollah en attendant sa transformation en un parti politique, selon les dispositions de l’accord de Taëf, continue de présenter un élément-clé à l’entière restauration de la souveraineté, de l’intégrité territoriale et de l’indépendance politique du Liban. Il n’en reste pas moins, à mon avis, comme souligné précédemment, que le désarmement des milices libanaises et non libanaises doit se faire dans le cadre d’un processus politique qui mènera à l’affirmation entière de l’autorité du gouvernement du Liban sur l’ensemble de son territoire. Je presse toutes les parties politiques au Liban à reprendre le dialogue politique et à réaffirmer leur engagement concernant le désarmement des milices libanaises au Liban, y compris le Hezbollah, en application à la résolution 1559.
La réapparition des milices
« Alors que les tentatives de dénouer la crise politique actuelle (...) par le dialogue et le compromis se poursuivent, de nombreux rapports ont indiqué que différentes parties libanaises appartenant aux divers camps du spectre politique sont en train de se préparer à un échec éventuel des négociations, à travers l’armement et l’entraînement militaire (…). Le gouvernement (libanais) a indiqué que les RG ont confirmé le fait que des entraînements à l’utilisation d’armes personnelles sont menés dans plusieurs régions du pays. Ces informations ont été corroborés par des rapports que m’ont transmis plusieurs pays de la région. Le gouvernement libanais a aussi précisé qu’“alors que des entraînements pour des raisons de sécurité et de protection sont organisés par plusieurs parties du spectre politique, il existe des preuves de distribution d’armes et de formation militaire du côté de l’opposition”. Certaines factions concernées sont en train de recevoir des armes et de subir des entraînements par le Hezbollah, d’après le gouvernement.
« La réapparition des milices est sans le moindre doute le développement le plus inquiétant des six derniers mois, dans la perspective de la persistance de la crise politique. (Ce phénomène) accroît les chances d’une confrontation armée qui restreindra davantage le fonctionnement des institutions étatiques. Je suis alarmé par les rumeurs permanentes au sujet de la résurgence des milices (…), en violation des accords de Taëf (…) et de la résolution 1559.
« J’appelle également toutes les parties libanaises à mettre immédiatement un terme à l’acquisition d’armes et aux formations militaires, et à rétablir le dialogue au travers des institutions légitimes, et particulièrement le Parlement, comme seul moyen viable pour dénouer la crise politique actuelle. Je réitère ma conviction ferme selon laquelle le désarmement des milices libanaises devrait se faire par le biais d’un processus politique, menant au rétablissement intégral de la souveraineté du gouvernement libanais sur l’ensemble de son territoire.
L’élection présidentielle
« L’élection d’un nouveau président de la République est actuellement essentielle pour régler la crise politique au Liban. La vacance au niveau de ce poste doit être comblée dès que le mandat prolongé du président actuel aura expiré de peur que le fonctionnement normal des institutions politiques ne demeure entravé.
« Je suis persuadé qu’un nouveau président doit être élu au cours d’un processus électoral libre et juste, mené seulement conformément aux règles constitutionnelles libanaises, sans aucune interférence ou influence étrangère et dans les délais constitutionnels, conformément aux dispositions de la résolution 1559 et avec l’acceptation la plus large possible. Il ne faut pas qu’il y ait un vide politique au niveau de la présidence. Je salue le président de la Chambre, Nabih Berry, pour avoir initié un dialogue avec toutes les parties concernées dans le but de parvenir à une entente au sujet de la présidentielle. Cette initiative avait pavé la voie à un dialogue important entre l’opposition et la majorité parlementaire. J’ai également pris note avec satisfaction des efforts du patriarcat maronite pour instituer un dialogue parmi les leaders chrétiens. En dépit de ces efforts louables, au Liban on redoute toujours que le délai constitutionnel pour l’élection d’un président de la République, fixé au 24 novembre, n’expire sans que la crise ne soit réglée. Le résultat sera soit un vide institutionnel, soit l’émergence de deux gouvernements rivaux contestant chacun la légitimité de l’autre. Le triste précédent d’une présidence laissée vacante à cause de l’absence de dialogue et d’accord en 1988 illustre les dangers inhérents à une telle situation qui peut générer deux gouvernements rivaux et une nouvelle vague de souffrance et de destruction provoquée par les forces adversaires. »
En conclusion, le rapport souligne notamment : « Depuis l’adoption de la résolution 1559, le Liban a continué de souffrir de contretemps dans sa lutte pour rétablir sa souveraineté, son intégrité territoriale, son unité et son indépendance politique. Je salue de nouveau le peuple libanais courageux et ses leaders politiques pour leur acharnement dans cette lutte. Les Nations unies restent engagées à aider les Libanais à compléter la transition en cours depuis septembre 2004.
« Dans le contexte d’une crise politique prolongée et du défi que représentent les milices et les rumeurs sur un armement massif et des entraînements paramilitaires, le gouvernement libanais est resté contesté tout comme son monopole du recours légitime à la force l’a été. Le défi le plus significatif durant cette période est venu de Fateh el-Islam. Je salue le gouvernement et l’armée pour avoir passé un test critique sur la voie du rétablissement d’un Liban réellement libre et souverain. Cependant, de nombreux défis persistent si le Liban doit se libérer d’une manière substantielle des vestiges d’un passé durant lequel il était prisonnier. »
Les observations
Au terme du rapport, le secrétaire général souligne, en résumé, les observations suivantes :
« Les informations que je continue à recevoir, selon lesquelles le Hezbollah a reconstruit et renforcé sa capacité militaire après la guerre de juillet et août 2006, est profondément déconcertante et se trouve en contradiction flagrante avec les dispositions de la résolution 1559. Je réaffirme ma conviction selon laquelle un désarmement final du Hezbollah dans le sens d’un accomplissement de sa transformation en parti politique uniquement, conformément aux conditions requises par l’accord de Taëf, est un élément clé d’une importance capitale pour l’avenir d’un Liban totalement souverain, uni et indépendant politiquement. J’exhorte une reprise du dialogue politique au Liban et appelle à l’engagement de toutes les parties au désarmement des milices libanaises, le Hezbollah inclus, en application des dispositions de la résolution 1559. Je m’attends aussi à une coopération claire de toutes les parties régionales concernées qui ont la possibilité de soutenir ce processus, particulièrement la Syrie et l’Iran.
« Depuis la fin de la guerre civile, il n’y a jamais eu d’élection présidentielle au Liban conduite en conformité avec les règles constitutionnelles, sans amendements constitutionnels et sans ingérence étrangère. En 1989, le président Élias Hraoui a été élu à Chtaura, loin de la Chambre des députés, en remplacement du président assassiné René Moawad, qui avait été désigné dans un aéroport militaire au Liban-Nord. Le mandat du président Hraoui a été prorogé de trois ans, au-delà du mandat constitutionnel régulier de six ans, en 1995. L’élection en 1998 du président Émile Lahoud a été rendue possible par un amendement constitutionnel permettant au commandant en chef de l’armée de se porter candidat à la présidentielle. Le mandat du président Lahoud a été prorogé de trois ans en 2004 par un amendement constitutionnel. C’est pourquoi, cette fois, après le retrait des forces et des services de renseignements syriens, les Libanais ont l’opportunité d’organiser une élection présidentielle libre, équitable et en conformité avec les règles constitutionnelles et sans aucune ingérence étrangère, et ce pour la première fois depuis la fin de la guerre civile. Une telle élection constituerait une étape importante vers la réaffirmation totale de la souveraineté, de l’intégrité territoriale, de l’unité et de l’indépendance politique du Liban, ce qui est l’objectif de la résolution 1559.
« Avec la prochaine élection présidentielle, je crois fermement que les Libanais et leurs représentants politiques doivent s’élever au niveau de l’événement et tourner une nouvelle page de leur histoire difficile. Il ne doit pas y avoir de vide constitutionnel au niveau de la présidence, ou encore deux gouvernements rivaux. Les dispositions constitutionnelles doivent être totalement respectées. Par conséquent, le dialogue politique doit permettre l’élection d’un nouveau président avant l’échéance constitutionnelle du 24 novembre. J’appelle toutes les parties politiques libanaises à engager un dialogue constructif et à avoir la conciliation pour but, dans le respect total de l’accord de Taëf. Le président devrait bénéficier de l’acceptation la plus large possible.
« Je continue à être profondément inquiet des conditions de sécurité actuelles au Liban. Le fait que cela ait forcé plusieurs députés à résider à l’étranger ou en réclusion de manière permanente, à l’ombre de mesures de sécurité extrêmement étroites, est inacceptable. On ne peut pas ignorer le fait que l’assassinat le plus récent, celui du député Antoine Ghanem, ajouté à ceux des autres députés de la coalition au pouvoir, réduit la majorité à 68 députés sur 127 et laisse planer le spectre non seulement de plus de détérioration, mais aussi d’un renversement de l’équilibre politique qui existe depuis les élections parlementaires du printemps 2005. Le modèle des assassinats politiques au Liban suggère fortement un effort concerté visant à miner les institutions démocratiques au Liban et l’exercice continu des fonctions politiques des représentants démocratiquement élus du peuple souverain du Liban.
« Il est également déconcertant d’observer que la plupart des parties politiques au Liban se préparent apparemment à une éventuelle détérioration supplémentaire de la situation. Le réarmement et l’entraînement militaire contreviennent directement à l’appel, contenu dans la résolution 1559, au désarmement et au démantèlement de toutes les milices libanaises et non libanaises. Je recommande au gouvernement du Liban et aux services de sécurité libanais de faire preuve de vigilance continue à cette fin et de concentrer leurs efforts pour calmer la situation. Je renouvelle également mon appel urgent à toutes les parties libanaises pour qu’elles mettent immédiatement fin à tous les efforts de réarmement et d’entraînement militaire, et pour qu’elles retournent plutôt au dialogue et à la conciliation, seule méthode viable de résolution des conflits et de la crise politique actuelle.
« Un retour au dialogue politique entre les parties libanaises est absolument impératif dans les conditions actuelles et le seul moyen de résoudre toutes les questions appropriées. Le Liban doit préserver son cadre politique complet et, surtout, conciliant, comme l’affirme l’accord de Taëf.
« Je suis évidemment intensément conscient du fait qu’un tel cadre nécessite le soutien et l’engagement renouvelés de toutes les parties externes et de tous ceux qui soutiennent le Liban. Sans cela, le Liban ne pourra pas faire des pas supplémentaires vers la réaffirmation de sa souveraineté, de son intégrité territoriale et de son indépendance politique, ou de poursuivre un tel progrès sur le long terme. Mais je suis également convaincu que l’implication étrangère profonde au Liban a fait peu pour abaisser la tension dans ce pays. Au contraire, l’intervention étrangère au Liban n’a fait qu’empirer la crise. Il est temps que l’interférence étrangère cesse et que les Libanais et leurs représentants politiques déterminent seuls le destin du Liban.
« Dans ce contexte, je réitère mon attente par rapport à la Syrie, en particulier, pour qu’elle coopère sur toutes les questions liées à l’application totale de toutes les dispositions des résolutions 1559, 1680 et 1701. J’accueille les affirmations et les engagements de la récente lettre que la Syrie m’a envoyée et m’attends à voir l’engagement de la Syrie vis-à-vis de la souveraineté, de l’intégrité territoriale, de l’unité et de l’indépendance politique se refléter dans des pas plus tangibles durant la période à venir.
« Je reste profondément conscient de l’interdépendance entre les différents conflits dans la région. Je crois profondément que tous les efforts possibles doivent être entrepris pour atteindre une paix juste, compréhensive et durable pour tous les peuples de la région. La réalisation d’une telle paix à travers l’ensemble du Moyen-Orient en conformité avec toutes les résolutions concernées du Conseil de sécurité, surtout les résolutions 242 et 338, et la restauration totale de l’intégrité, la souveraineté complète et l’indépendance politique du Liban resteront dépendantes l’une de l’autre.
« Je poursuivrai mes efforts pour assister toutes les parties dans la recherche de la paix et de la stabilité dans la région, et dans l’application complète des résolutions 1559, 1680 et 1701. J’appelle également à nouveau toutes les parties et tous les acteurs à soutenir la reconstruction et la transformation politique du Liban, et à prendre d’urgence toutes les mesures nécessaires à ces fins, comme convenu dans l’accord de Taëf et les résolutions 1559, 1680 et 1701. »