Bat Ye’or, témoin et analyste du Jihad
Vers le choc des Civilisations ?
Alexandre del Valle, le lundi 7 janvier 2008 à 04:00
Bat Yé’or est une essayiste égyptienne spécialiste dans l’étude de l’islamisme jihadiste*. Expulsée d’Egypte avec sa famille en 1957, elle assista à l’ascension du jihad islamiste dont les juifs, les chrétiens et les musulmans modérés furent les premières victimes. Auteurs d’ouvrages traduits en sept langues, elle est très écoutée aux Etats-Unis, y compris dans les cercles de décideurs.
Francesoir. Benazir Bhutto a été tuée au Pakistan. Al-Qaida tue des musulmans et des non-musulmans chaque jour, en Irak ; le Hamas veut faire disparaître Israël et Ben Laden appelle au jihad* contre les juifs et les croisés jusqu’au triomphe de l’islam. Est-ce un conflit de civilisation ?
Bat Yé’or. Oui, un conflit de civilisation, une guerre globale. Les musulmans occidentalisés souhaitant moderniser leurs pays sont attaqués comme « apostats ». La charia* prévoit pour eux un traitement plus sévère que pour les juifs et les chrétiens. Nous devons soutenir leur effort héroïque et nous en inspirer. Pour eux, il n’y a aucune rémission. Les textes stipulent que leurs femmes doivent être réduites en esclavage et les hommes tués… Quant aux juifs et aux chrétiens, ils échappent à la mort et à l’esclavage par la conversion. Le GIA en Algérie obéit à cette vision.
Mais l’islam prévoit un statut de « protection » (dhimma*) pour les non-musulmans
Juifs et chrétiens sont épargnés par le jihad s’ils acceptent l’islamisation de leurs pays et un statut de soumission, d’infériorité et d’humiliation : la dhimmitude*, ceci dans un contexte de conquête permanente. Ceux qui ignorent les stratégies du jihad ne peuvent rien comprendre à ce qui se passe aujourd’hui… Car même en tant de paix, l’idéologie du jihad a une stratégie.
Est-ce la raison qui pousse al-Qaida à réclamer l’Espagne et un jour l’Europe ?
Oui selon cette idéologie jihadique, l’islam doit régner sur toute la terre, à commencer par les nations voisines de l’islam, qui furent musulmanes. Le jihad de reconquête s’applique donc au Liban, aux Balkans, à Israël, à la Sicile, à l’Espagne, territoires ayant été gouvernés par la loi islamique pour certains jusqu’à la première Guerre mondiale.
L’Europe tolérante envers les musulmans n’est-elle pas moins menacée qu’Israël ? Comment vaincre l’islamisme ?
Non car le statut des juifs et des chrétiens est le même pour l’islamisme : l’Europe est, comme Israël, un territoire sous juridiction « infidèle » (kafir) à islamiser. Et elle est encore plus en danger qu’Israël en niant l’histoire, l’idéologie totalitaires du jihad, qui règle toute relation avec les non-musulmans. Pour vaincre l’islamisme, il convient d’abord de l’analyser lucidement sans se voiler la face, puis en aidant les musulmans modérés. Ensuite en assumant les valeurs judéo-chrétiennnes et humanistes de l’Europe qui ont permis le développement des droits fondamentaux de la personne humaine.
Que pensez-vous du projet de Sarkozy d’Union méditerranéenne et de son refus de la repentance ?
Le projet euro-méditerranéen initié dans les années 1970 par Bruxelles avait des aspects positifs, mais s’est développé comme une stratégie anti-israélienne et anti-américaine, d’abdication de l’Europe et d’immigration massive. Malgré ses bonnes intentions, M. Sarkozy aura du mal à changer cette politique établie avec des réseaux quasi-totalitaires euro-arabes dans les universités, les médias, la finance, etc., très puissants. Quant au refus de la repentance, c’est un aspect positif qui pourrait modifier la politique méditerranéenne, car tout en reconnaissant les pages sombre de l’Europe (Shoah, etc.), il signifie que l’Europe n’a pas à avoir de complexes vis-à-vis des pays musulmans qui, eux, n’éprouvent aucune repentance pour leurs propres conquêtes impérialistes ! Sans oublier les chrétiens persécutés ou génocidés : aujourd’hui les Noirs du Soudan et les chrétiens d’Irak, hier Arméniens ou chrétiens du Moyen-Orient ou du Maghreb.
Dialogue euro-méditerranéen versus Eurabia ?
Dans une étude sur les programmes communautaires « euro-méditerranéenne » établis depuis trente ans par Bruxelles et les chancelleries européennes (« Conférence de Barcelone », DEA : « Dialogue euro-arabe », etc.), Bat Ye’or explique qu’il existe une « similitude entre l’avancée islamiste actuelle et le processus d’islamisation des pays chrétiens dans le passé, lors des conquêtes musulmanes : Turquie, Balkans, Maghreb », etc. « L’Union européenne, compte tenu de sa politique euro-méditerranéenne (Eurabia), chercherait à nier cette guerre. » Aussi, la critique européenne des Etats-Unis viserait à « éviter de s’attaquer aux sources du danger » et « justifierait les compromissions avec l’islamisme ». Concernant l’opération américaine en Irak, Bat Ye’or rejette l’argument anti-Bush en rappelant que « Saddam était détestée et qu’il serait tombé un jour », et donc que « le même chaos se serait installé en Irak ». Pour elle, « les interventions américaines et Irak et en Afghanistan – quelles que soient les erreurs de la politique de Bush – n’ont fait que révéler la réalité jihadiste, car « il est impossible d’agir contre le totalitarisme sans conflits et George Bush a mis en évidence une réalité occultée en Europe. Les historiens de l’avenir lui en seront reconnaissants ». A ceux qui affirment que le jihad serait une « réaction à l’impérialisme américain » ou à la politique israélienne « d’humiliation des Arabes », elle répond que le danger islamiste « menace en premier les musulmans modérés ».
Bat Ye’or est l’auteur de Face au danger intégriste (Berg International, 2005) et Eurabia (Ed J.-C. Godefroy, 2006). Elle prononcera le 30 janvier prochain (mairie du XVIe, Paris), une conférence-débat : « Le dialogue euro-méditerranéen et le défi jihadiste ».
* jihadisme : courant islamiste né en Egypte au sein des Frères musulmans (Sayd Qutb) qui inspire al-Qaida et conçoit le terrorisme pour étendre l’islam et vaincre ses ennemis.
* Charia : loi islamique tirée du Coran et de la tradition (Hadith de la Sunna).
* Dhimmitude : de l’arabe Ahl al-dhimma (« gens du pacte »). En se soumettant à la charia et à l’impôt (jiziya), les dhimmis (juifs et chrétiens) sont épargnés par le jihad* ou guerre sainte. Ils ne peuvent commander un musulman, porter d’armes, ni manifester leur foi.
Jihad in Canada
Le jihad en France
LONDRES - La lutte contre le terrorisme est toujours aussi urgente, a estimé lundi l'envoyé spécial du Quartette pour le Proche-Orient Tony Blair,
réagissant à la mort d'Oussama ben Laden, tué au Pakistan dans une opération américaine.
Il s'agit d'une réussite remarquable mais nous savons que la lutte contre le terrorisme et l'idéologie que Ben Laden représente continue
et est toujours aussi urgente, a déclaré l'ancien Premier ministre britannique.
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