L'Afrique du Sud a banni mercredi l'étiquette "made in Israël" sur les produits venant des Territoires occupés, rompant avec une relative neutralité observée depuis 1994 dans le conflit israélo-palestinien, selon des analystes.
Cette mesure, adoptée en conseil des ministres, et symbolique plus que commerciale, était en gestation depuis mai.
En réaction, Israel a jugé cette mesure "discriminatoire" et "totalement inacceptable". "Israël et l'Afrique du Sud ont des divergences politiques ce qui est légitime. Ce qui est totalement inacceptable, c'est l'utilisation de mesures qui, par essence, discriminent et isolent, créant un boycott général", a affirmé un porte-parole du ministère israélien des Affaires étrangères.
L'ambassadeur d'Afrique du Sud "sera convoqué demain (jeudi) au ministère des Affaires étrangères à Jérusalem", a-t-on ajouté de même source.
Isarël avait qualifié par avance de "raciste" par la diplomatie israélienne et avait scandalisé une partie de la communauté juive d'Afrique du Sud, ainsi que les conservateurs évangéliques.
Le gouvernement sud-africain s'appuie sur une loi de protection du consommateur de 2008, imposant "un étiquetage des biens et produits venant des Territoires occupées pour éviter que les consommateurs ne croient qu'ils viennent d'Israël".
"C'est conforme à la ligne de l'Afrique du Sud qui reconnaît les frontières de 1948 délimitées par l'ONU et ne reconnaît pas les Territoires occupés au-delà de ces frontières comme faisant partie de l'Etat d'Israël", ajoute-t-il.
Les responsables de la communauté juive sud-africaine se sont dits "outragés" par cette mesure "discriminatoire et qui sème la discorde".
"Au fond, elle (cette mesure) semble motivée non par des préoccupations commerciale mais par un parti pris politique contre l'Etat d'Israël. Toute tentative de discussion a été vaine", a déclaré dans un communiqué le bureau des députés juifs sud-africains.
Cette mesure "met la diplomatie sud-africaine au diapason de sa rhétorique pro-palestinienne", a indiqué à l'AFP Jakkie Cilliers, le directeur de l'Institut des études de sécurité (ISS).
La semaine dernière, le ministre délégué aux Affaires étrangères Ebrahim Ebrahim a ouvertement envisagé de suspendre les visites officielles en Israël, estimant que celles-ci "légitimaient l'occupation de la terre palestinienne par Israël".
"C'est un pas de plus pour se rapprocher des Palestiniens et rompre avec la neutralité des relations entretenues par l'Afrique du Sud avec Israël et la Palestine", observe le directeur de la fondation De Klerk, Dave Steward.
Et un changement radical par rapport à l'apartheid qui entretenait "des coopérations inter-étatiques avec Israël dans d'assez nombreux domaines" y compris militaires.
La décision vient selon lui de "pressions internes à l'ANC et aux syndicats" et "elle ne doit pas être sous-estimée car l'Afrique du Sud tend à avoir plus d'influence que sa taille pourrait suggérer".
"Nombre d'autres pays pourraient suivre", juge aussi M. Cilliers selon lequel la décision montre que l'Afrique du Sud, membre du G20 et membre non permanent du Conseil de sécurité de l'ONU, "adopte une attitude plus indépendante face aux Etats-Unis".
L'Afrique du Sud a rejoint fin 2010 le bloc des Brics, autour de la Russie et de la Chine, avec le Brésil et l'Inde.
L'Afrique du Sud n'appelle pas pour autant au boycott des produits d'Israël, pays avec lequel elle maintient de bonnes relations.
L'Afrique du Sud abrite une importante communauté juive, historiquement enracinée et dont certains membres ont joué un rôle éminent contre l'apartheid.
Aujourd'hui divisée sur la politique menée par Israël, elle compte 30.000 à 40.000 personnes, surtout au Cap et Johannesburg, depuis l'exode observé à la fin de l'apartheid.
"La diplomatie économique peut être l'une des armes les plus efficaces pour changer la situation palestinienne", avait exposé en juillet le vice-ministre sud-africain des Affaires étrangères, Marius Fransman.
"Notre position politique sur la situation en Palestine est indubitablement marquée par notre propre histoire d'oppression et d'abus des droits de l'Homme", avait-il ajouté.
"Jusqu'à présent, la campagne de boycott a eu un effet économique négligeable, mais la voix d'un gouvernement comme le nôtre pourrait donner un coup de pouce symbolique", avait-il ajouté.