AU QUÉBEC
Le Journal de Montréal, samedi 3 mai 2014
ISABELLE MAHER
LA PRATIQUE SUSCITE UN ÉVIDENT MALAISE DANS LA COMMUNAUTÉ MUSULMANE MODÉRÉE DE MONTRÉAL
UNE VINGTAINE DE JEUNES FILLES FERONT LE SERMENT DE PORTER LE HIJAB LORS D'UNE CÉRÉMONIE ORGANISÉE CE SOIR PAR UN CENTRE COMMUNAUTAIRE CHIITE DE MONTRÉAL. CETTE PRATIQUE, QUI N'EST PAS UN RITUEL ISLAMIQUE, SUSCITE UN GRAND MALAISE AU SEIN DE LA COMMUNAUTÉ MUSULMANE MODÉRÉE.
"Je jure sur mon honneur que je ferai tous les efforts pour préserver mon hijab comme l'a ordonné Allah..."
C'est la promesse solennelle que des petites filles de 9 ou 10 ans feront, ce soir, au Centre communautaire musulman de Montréal. Vêtues de longues tuniques blanches, la main droite levée, les fillettes prononcent ces voeux chaque an-née lors d'une cérémonie qui a été filmée et diffusée sur YouTube.
Les responsables de l'événement n'ont pas rendu nos appels, mais nous avons croisé Ali, au Centre communautaire, qui défend ce rituel avec vigueur.
"Les petites filles veulent toutes faire comme leur maman. Si leur mère porte le voile, elles voudront faire comme elles, on ne les oblige pas, c'est comme ça", raconte Ali dont la fille de 11 ans souhaitait porter
le voile tout comme sa mère, raconte-t-il. Il y a deux ans, elle a participé à la cérémonie du voile, depuis elle le porte fièrement affirme son père.
"Les femmes portent le voile et des vêtements amples pour que les hommes ne les traitent pas comme des objets sexuels. On veut que les hommes s'intéressent à leur tête, car les femmes ne sont pas des produits de consommation", explique-t-il.
Cette cérémonie marque le moment où les fillettes porteront le voile pour la première fois et pour toujours, décrit Ali.
"On leur donne aussi de petits cadeaux comme un voile et un Coran", ajoute-t-il.
MALAISE DANS LA COMMUNAUTÉ
Cette cérémonie, appelée "Taklif" par le Centre communautaire chiite, suscite un évident malaise dans la communauté musulmane.
"Je suis bouleversé, je veux comprendre. Porter le voile est un choix. Je n'arrive pas à saisir pourquoi on demande ça à des enfants", confie le journaliste Lamine Foura, un Montréalais issu de la communauté musulmane modérée.
"Cette cérémonie n'a rien à voir avec l'islam. Les enfants n'ont pas l'obligation de prier ou d'observer le ramadan", ajoute-t-il.
Prudent et ne sachant pas dans quel cadre a été tournée la vidéo, le président de l'Association des Musulmans et des Arabes pour la laïcité confie avoir énormément de difficulté à prendre position.
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