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Surprotection des enfants

Sommes-nous en train d’élever des poules mouillées?

Toula Foscolos 

J’ai récemment reçu d’un ami un courriel des plus divertissants énumérant les dix jeux pour enfants les plus dangereux de tous les temps, incluant parmi ceux-ci de véritables classiques dont le ballon-chasseur, la tague, la chaise musicale et le souque à la corde. Quand j’ai arrêté de rire, j’ai commencé à y réfléchir de plus près : est-ce que tous ces jeux existent encore et pourquoi les enfants n’y jouent plus aujourd’hui?

Avec la fin des classes et avec tous ces jeunes inscrits à des camps de vacances, je me suis mise à réfléchir aux étés de liberté de mon enfance, à une époque où l’on pouvait - Oh ! Horreur ! – s’enfoncer dans le bois, allumer un feu de camp, construire un fort et jouer dans la rue… J’ai réalisé que les temps avaient changé mais était-ce à ce point ?

Est-ce qu’en tant que société, sommes-nous devenus surprotecteurs et gestionnaires du détail au point de ne plus permettre à nos enfants d’être des enfants? Pensez-y.

Plusieurs écoles ont banni le ballon-chasseur et la tague. Plusieurs cours d’école n’ont plus de glissoires et de balançoires parce que l’on craint que les enfants ne se blessent. Des jeunes se font interdire de jouer au football américain et de se suspendre à des anneaux de gymnastique. Certaines écoles ont poussé le zèle jusqu’à interdire le port de la savate pour ne pas que les enfants ne se tordent les chevilles!

Les cours d’éducation physique et les camps de jour sont méticuleusement structurés et gérés et plusieurs enseignants et éducateurs ont éliminé des jeux qui pourraient blessés physiquement ou même psychologiquement les enfants. Combien de fois avons-nous entendu dans les compétitions scolaires qu’il n’y avait pas de perdants?

Désolé de vous décevoir, les enfants, mais, malheureusement, il y a bel et bien des perdants. Le jeu, le sport, la compétition en soi nécessitent l’existence d’un gagnant et d’un perdant. Prétendre le contraire est de décourager ces pauvres enfants qui sont occupés à se préparer pour leur journée de graduation de la …maternelle. N’y avait-il pas une époque durant laquelle nous devions réellement réussir quelque chose pour se mériter une étoile? Écoutez, même si je ne suis pas parent, je peux certainement comprendre le besoin primaire de protéger sa progéniture de tout désagrément de la vie. Mais il existe une grosse différence entre protéger un enfant d’un danger et le couver hermétiquement. Nous élevons nos enfants comme des fleurs en serre et nous nous demandons ensuite pourquoi nous avons créé une génération entière de mauviettes.

Il y a environ une dizaine d’années, le journaliste Matt Labash a écrit un dossier pour l’hebdo The Weekly Standard sous le thème de “the Wussification of America" (la « mauviettisation » de l’Amérique) en référence aux enfants auxquels on interdit certains jeux parce qu’ils « encouragent la violence et l’esprit de compétition, et peuvent causer des dommages irréparables à l’estime de soi ».

Ça suffit ! Je me souviens que trop bien de cette fois où j’ai reçu en pleine gueule ce missile en caoutchouc  au cours d’une joute de ballon-chasseur, mais de là à estimer que cela m’a causé des « dommages irréparables à l’estime de soi »? J’ose croire que cela nécessite plus d’un coup à la tête.

Bien sûr qu’il est désagréable de perdre et que cela égratigne notre égo mais on n’en meurt pas. Vous apprenez ainsi à éviter le prochain ballon qui vous sera destiné. La vie n’est-elle pas faite d’essais et d’erreurs?

Je n’encourage pas les gens à lancer des objets à la tête de vos enfants mais, en fait, ce n’est qu’un ballon et ce n’est qu’un jeu !

Devons-nous alors protéger de tout danger nos jeunes et les inscrire à des cours de boulingrin? Est-ce que cette volonté de les protéger à outrance de toutes formes de défis et possiblement d’échecs ne mènera pas ces enfants à un dur réveil plus tard dans leur vraie vie?

Parfois, il faut savoir perdre pour ensuite pouvoir gagner.

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