Le manifeste
L’école québécoise est en crise. Elle traverse en ce moment même
une période critique qui sera déterminante pour son avenir.
Toutes celles et tous ceux qui, comme nous, pensent que l’éducation
est une valeur fondamentale et prioritaire d’une société
démocratique ont le devoir de dénoncer la situation actuelle et
d’exiger de profonds changements.
Nous croyons que les politiques éducatives
et sociales récemment adoptées
ne permettront pas à l’école de remplir
sa mission première, celle d’instruire.
L’instruction est le levier démocratique
qui assure la réduction des inégalités
sociales, la transmission du patrimoine
culturel, le développement de la pensée
critique et la formation de citoyens libres.
Les États généraux sur l’éducation
de 1995-1996 visaient pourtant
« l’émergence d’une société plus
juste, plus démocratique et plus égalitaire » .
Rappelons que le consensus social
auquel cette vaste consultation avait
abouti était que l’école devait se réorganiser
pour :
• Recentrer les curriculums autour
des matières de base en précisant
les savoirs essentiels que l’on voulait
voir acquérir par les élèves du
primaire et du secondaire;
• lutter contre le décrochage et l’échec scolaires;
• revaloriser le rôle des enseignantes et enseignants;
• accroître l’accès du plus grand nombre
à l’éducation et passer de l’accès
au succès afin d’assurer l’égalité des chances;
• soutenir les parents afin qu’ils
reçoivent une information complète
sur le cheminement scolaire de leurs enfants.
Or, depuis l’implantation de l’actuelle
réforme de l’éducation, nous constatons
que ces objectifs sont loin d’être atteints
et que la situation est en fait réellement alarmante.
Qu’on en juge:
• Les résultats scolaires des élèves
québécois aux tests internationaux
indiquent une régression;
• la maîtrise des fondements de la
langue française, loin de s’être améliorée,
décline de façon inquiétante;
• les enseignantes et enseignants
notent de plus en plus de lacunes
dans le degré de maîtrise des
connaissances par les élèves;
• les compétences et la formation
axée sur l’emploi ont pris le pas
sur l’instruction et le développement global de la personne;
• les élèves qui éprouvent des
difficultés d’apprentissage sont
intégrés dans les classes ordinaires
sans recevoir les services auxquels
ils ont droit;
• les élèves en échec sont promus et
dirigés vers des formations semispécialisées et peu qualifiantes;
• le rôle premier des enseignantes et
enseignants n’est plus d’instruire
et de transmettre des savoirs fondamentaux;
• l’approche socioconstructiviste
prônée par les programmes et sur
laquelle s’appuie la réforme réduit
les enseignantes et enseignants à
un rôle d’accompagnateur;
• la formation des maîtres fait
désormais bien peu de place à la
maîtrise des contenus disciplinaires à enseigner;
• les parents peinent à suivre les progrès
de leurs enfants et ne sont pas
écoutés lorsqu’ils réclament, avec
tant d’autres, que la transmission des
connaissances s’inscrive au coeur de la mission de l’école;
• aucune évaluation de cette réforme
n’a été faite avant son implantation au secondaire.
Les pays qui ont inspiré cette réforme et
qui avaient adopté l’approche socioconstructiviste
dans leur système d’éducation
ont finalement fait marche arrière.
Bien que la réforme ait été dénoncée par
la très grande majorité des enseignantes
et des enseignants du Québec, le ministère
de l'Éducation, du Loisir et du Sport
(MELS), persiste à mener cette réforme,
sans vouloir y apporter de corrections fondamentales.
Cette situation est d’autant
plus inacceptable qu’il l’a implantée sans
en connaître la réelle portée et sans
jamais juger bon d’en évaluer les impacts en cours d’application.
Conséquemment, le système d’éducation
est passé, en quelques années à
peine, d’une approche qui se voulait
humaniste à une approche utilitariste qui
fait la promotion de la formation d’une
main-d’oeuvre modelée sur les exigences
du marché du travail, et cela, au
détriment du développement intégral de la personne.
Devant cet énorme gâchis, nous,
parents, enseignants et citoyens,
souhaitons réaffirmer que :
• L’éducation est un droit fondamental
et qu’elle permet un réel exercice de la démocratie;
• l’éducation est un service qui doit être
assumé par l’État, lequel a la responsabilité
d’en assurer l’accès pour toutes et pour tous;
• l’école doit former des citoyens libres,
égaux et responsables;
• l’école doit viser l’égalité des chances
et favoriser la réussite de toutes et de tous;
• l’école doit instruire en
transmettant les savoirs
essentiels au développement de
la personne et du futur citoyen;
• l’école doit dispenser un enseignement
de qualité, assorti des services de soutien adéquats;
• l’école doit assurer la maîtrise de
la langue commune au Québec, le
français, de même que la maîtrise des
éléments principaux de la mathématique,
la connaissance de l’histoire, la
connaissance du langage artistique et
l’appropriation des savoirs de base en sciences.
C’est pourquoi,
nous exigeons l’annonce immédiate
d’un moratoire sur l’implantation
de la réforme de l’éducation en
4 e et 5 e secondaire et à
l’éducation des adultes et que des
mesures soient prises dans les plus
brefs délais pour les niveaux où elle s’applique.
À cet effet,
nous exigeons que tous les programmes
d’études et la politique d’évaluation
des apprentissages de l’école québécoise
soient modifiés dans une perspective
de transmission et d’évaluation
systématiques des connaissances;
nous exigeons un enseignement structuré
des règles de base de la langue
française, dont la maîtrise est un outil
essentiel au développement de la pensée critique;
nous exigeons des mesures concrètes
d’aide (dépistage, prévention, soutien,
accompagnement) pour tous les élèves en difficulté;
nous exigeons que les parents, à titre
de premiers éducateurs de leurs
enfants, soient informés de manière
claire et précise du cheminement scolaire de leurs enfants;
nous exigeons que les enseignantes et
enseignants puissent s’appuyer sur la
somme de leurs connaissances afin de
transmettre des savoirs clairement
identifiés dans le respect de leur autonomie
professionnelle et de leur liberté du
choix des approches pédagogiques;
nous exigeons que les enseignantes et
enseignants puissent avoir recours à des
mesures d’évaluation qui permettent de
rendre compte du niveau d’acquisition
des connaissances par les élèves;
nous exigeons des mesures d’accueil et
de francisation pour les immigrants,
jeunes et adultes, pour leur permettre
l’apprentissage de tous les aspects de la langue commune;
nous exigeons que les programmes de
formation des maîtres soient révisés
dans l’optique d’un meilleur équilibre
des connaissances disciplinaires et des compétences professionnelles.
Par le présent
manifeste,
nous invitons celles et ceux d’entre vous
qui partagent nos analyses, nos valeurs
et nos convictions à se faire entendre et
à exprimer clairement leur point de vue;
nous appelons la société civile, les
médias et la classe politique à se mobiliser
et à dénoncer l’incurie du MELS
qui sacrifie actuellement l’éducation des élèves du Québec.
En ce sens, la réforme de
l’éducation est un échec et son
implantation aveugle et obstinée
met en péril l’avenir de nos élèves et de la société québécoise.
Dumont veut stopper la réforme
La Presse 1 février ; Après l’ancien premier ministre Bernard Landry, c’est au tour du chef de l’opposition,
Mario Dumont, de réclamer l’arrêt de la réforme scolaire en cours, question de limiter les dégâts pour les élèves québécois.