Le premier ministre Fouad Sigionra l'homme-clé du Liban
Le jeudi 03 août 2006
Le premier ministre du Liban, Fouad Siniora, s'est rapidement bâti une solide réputation. Son dernier fait d'armes est d'voir fait accepter un plan visant au désarmement du Hezbollah à l'unanimité des députés, incluant les membres du mouvement en question. Son leadership sera crucial dans la résolution du conflit.
Photo La Presse
LE PREMIER MINISTRE FOUAD SINIORA
L'homme-clé du Liban
La Presse
On l'a vu faire gentiment la bise à la secrétaire d'État américaine Condoleezza Rice. On l'a aussi vu plaider, les yeux pleins d'eau, pour un cessez-le-feu au Liban.
À première vue, le premier ministre libanais Fouad Siniora donne l'impression d'un homme dépassé par la guerre qui vient de s'abattre sur son pays. Mais ajustez vos lunettes. Car ce financier affable, amateur de poésie, détient peut-être la clé qui permettra de pacifier son pays. Son attitude face au cauchemar que traverse le Liban lui a donné la stature d'un véritable chef d'État, soulignent des analystes.
"Fouad Siniora est probablement le meilleur premier ministre que le Liban ait jamais eu", affirme le politologue québécois Sami Aoun - lui-même originaire du Liban.
Son plus grand fait de gloire? "Il a réussi à garder l'unité du pays dans une situation extrêmement délicate", précise sa collègue et compatriote Marie-Joëlle Zahar.
Ce n'est pas une mince affaire. La toile religieuse libanaise est complexe. Le groupe le plus important, les musulmans chiites, composent 45% de la population. Une grande partie d'entre eux s'identifient au Hezbollah, ce mouvement armé qu'Israël tente de rayer de la carte.
Près de 40% des Libanais sont des chrétiens. Et environ 15% sont des musulmans sunnites. La guerre aurait pu facilement exacerber les tensions qui divisent les Libanais, au risque de plonger le pays dans la guerre civile.
Pourtant, lundi, tous les leaders religieux du Liban se sont rangés derrière un plan de paix proposé par Fouad Siniora - et approuvé à l'unanimité par le gouvernement libanais, toutes factions incluses.
Ce plan en sept points prévoit le désarmement du Hezbollah - qui compte deux ministres au cabinet libanais. Comment Fouad Siniora a-t-il pu obtenir leur appui à son plan? En affirmant haut et fort "qu'on ne peut pas éliminer complètement un mouvement qui représente une grande partie des Libanais", souligne Marie-Joëlle Zahar.
De la banque au pouvoir
Sexagénaire aux tempes poivre et sel, Fouad Siniora est un économiste libéral qui a longtemps évolué dans l'ombre de Rafic Hariri - l'ancien premier ministre libanais assassiné en février 2005.
Il a travaillé dans le milieu bancaire. Il a aussi occupé à deux reprises le poste de ministre des Finances, où il a implanté le système de taxation libanais - réalisation qui ne lui a pas valu que des fleurs.
Pour Sami Aoun, Fouad Siniora est tout sauf populiste. "C'est un homme calme, qui évite la confrontation et arrondit les angles", dit-il. Il est aussi rusé, garde ses entrées à Washington - tout en n'hésitant pas à flatter le Hezbollah dans le sens du poil.
C'est en juin 2005, après le départ des troupes syriennes, que Fouad Siniora a accédé au poste de premier ministre. Sous sa direction, le pays a traversé une période rocailleuse. Et a réussi à résister aux nombreux attentats qui cherchaient à déstabiliser le Liban, signale Mme Zahar.
Quel plan?
Depuis le déclenchement de l'offensive israélienne, Fouad Siniora a continué à naviguer entre les différentes tendances politiques libanaises.
Son plan de paix prévoit la libération des soldats kidnappés par le Hezbollah, la libération des derniers prisonniers libanais détenus en Israël et le règlement de l'ultime contentieux territorial entre Israël et le Liban - qui revendique un minuscule territoire encore occupé par Israël, celui des fermes de Chebaa.
La logique de ce plan est la suivante: le Hezbollah prétend devoir résister à Israël pour le chasser des fermes de Chebaa et le forcer à libérer les prisonniers. Une fois ces demandes satisfaites, le Hezbollah n'aura plus de raisons de garder les armes. Il pourra se contenter de jouer un rôle politique au Liban. Et l'armée libanaise pourra reprendre le contrôle du sud du Liban.
Pour en arriver là, Fouad Siniora réclame en premier lieu un cessez-le-feu. Selon lui, la solution politique doit suivre. Cette séquence d'événements ne fait pas le bonheur d'Israël, pas plus que celui de Washington. Résultat: la diplomatie piétine.
Il y a un plan de paix, et un politicien capable de le vendre aux Libanais de toutes les factions. Reste un grand danger. "Les développements sur le terrain peuvent faire perdre le contrôle aux meilleurs hommes politiques, appréhende Marie-Joëlle Zahar. Ils peuvent imposer leur propre logique." Et faire déraper le meilleur des plans...
© 2006 La Presse. Tous droits réservés.