André Pratte
La Presse 23 avril
Tous les médias s’y sont fait prendre et ont annoncé, hier soir, que les associations étudiantes plus militantes, regroupées au sein de la CLASSE, avaient enfin condamné la violence. Tout au plus a-t-on souligné que la condamnation comportait des «nuances». En réalité, plus on lit la résolution adoptée hier par le congrès de la Coalition, plus on constate qu’il s’agit d’une position claire EN FAVEUR de la violence.
D’ailleurs, après avoir publié un premier communiqué de presse intitulé «La CLASSE condamne la violence», l’organisation a envoyé un correctif, celui-ci intitulé «La CLASSE prend position contre la violence». Le communiqué condamnant la violence «est erronné est ne représente pas ce qui a été adopté en congrès.»
Plusieurs diront que c’est de la sémantique, et donc que ce n’est pas important. Je ne suis pas d’accord: l’État ne doit pas négocier avec ceux qui prônent la violence et la violation des lois.
Analysons donc les quatre premiers alinéas de la résolution votée par les membres de la CLASSE:
Que la CLASSE défende activement le principe de désobéissance civile et les actions qui en relève, sans s’en dissocier;
La CLASSE approuve donc la désobéissance civile, c’est-à-dire la désobéissance aux lois. Un spécialiste de la question, Manuel Cervera-Marzal, la définit ainsi: «La désobéissance civile désigne une action politique illégale et non-violente fondée sur des motifs de conscience et destinée à modifier une loi ou à contester l’ordre juridique dans son ensemble.» Dans des situations d’injustice extrême (l’Inde de Gandhi, la situation des Noirs américains au temps de Luther King), elle peut se justifier. On ne me fera pas croire qu’une hausse des droits de scolarité, assortie d’une amélioration de l’aide financière aux étudiants et approuvée par une majorité de Québec, constitue une injustice telle qu’il faille recourir à la violation des lois pour la combattre.
Que la CLASSE rappelle que la désobéissance civile n’est pas de la violence ni de l’intimidation;
C’est vrai, la désobéissance civile comme telle n’est pas violente. Mais elle provoque souvent des situations de violence, par exemple lorsque des gens bloquent une rue ou un pont et refusent de quitter les lieux. Les forces de l’ordre doivent-elles laisser faire?
Que la CLASSE condamne publiquement la violence physique délibérée contre des personnes sauf dans les cas de légitime défense;
C’est la phrase clé. On note d’abord que la CLASSE ne dit rien sur le vandalisme; celui-ci se trouve par le fait même cautionné. Seule est dénoncée «la violence physique délibérée contre des personnes», sauf «dans les cas de légitime défense». L’alinéa suivant délimite ces cas de légitime défense:
Que la CLASSE condamne la violence policière et institutionnelle dont sont victimes systématiquement les étudiantes et les étudiants, notamment la discrimination à l’accessibilité aux études selon des critères socio-économiques, les injonctions brimant le droit de grève et la liberté d’association, les humiliations, l’intimidation, la répression violente de la part des forces de l’ordre et des administrations.
Est considérée comme «violence» non seulement la brutalité policière, mais «la violence institutionnelle» qui prend la forme «notamment» de «discrimination à l’accessibilité aux études selon des critères socio-économiques». Autrement dit, la hausse des droits de scolarité est considérée comme violente. Commettre des gestes violents contre des personnes afin de s’y opposer peut donc être considéré comme de la «légitime défense».
En somme, ce que dit la CLASSE, c’est qu’elle endosse la violence contre les biens. Et elle endosse la violence contre les personnes dans les cas où elle l’estime justifiée. Dans ces circonstances, le gouvernement devrait refuser de rencontrer les représentants de la CLASSE. Et si la FEUQ invite des gens de la CLASSE au sein de sa délégation, comme elle a annoncé son intention de le faire? Que la FEUQ agisse à sa guise, mais Mme Beauchamp ne devrait pas négocier avec des gens qui prônent la violence.