Parfois, y’a des choses qui me tuent! La démission de Daniel Breton en est une. En fait, ce n’est pas sa démission qui me tue, mais la posture morale prise par le Québec profond à gauche comme à droite depuis plusieurs années. J’écoute! Je lis! Je vois les mêmes choses que vous et je nous trouve profondément moraux et tricheurs.
Nous fantasmons tout haut sur toutes les tribunes sur des politiciens « propres »? Nous aimons les redresseurs de torts qui prennent les bandits la main dans le sac? Pendant ce temps, nos propres vies grouillent de petites omissions, de petits vols, de petits regards détournés. Cette lente habitude d’obtenir plus avec moins d’effort tout en fermant les yeux.
Juste un peu de triche dans un CV, une petit ligne de modifiée. Y’a pas mort d’homme! Est-ce vraiment si tordu que d’avoir ajouté quelques outils sur une réclamation d’assurance? Ben non, c’est un classique! Vous souvenez-vous de cette autre fois, chez Canadian Tire, lorsque la caissière a oublié de passer un article et que vous n’avez rien dit? Encore plus simple… égratigner la voiture d’un inconnu et partir sans rien dire! Continuez cette liste vous-mêmes pour réaliser que nous sommes immoraux, un peu, beaucoup, passionnément. Des dieux déchus à la recherche du paradis perdu ou de cet Utopie de Thomas Moore.
Je n’ai même pas parlé de tout le reste. Je suis resté dans la petite omission sachant que nous sommes tous si vertueux. Rien ne sert de parler des revenus que nous cachons à l’impôt, du travail au noir, des efforts mis à faire sous-évaluer sa demeure pour payer moins de taxes municipales. Non, tout cela est justifié, car l’état nous vole déjà, alors c’est de bonne guerre. N’est-ce pas, que nous sommes des êtres moraux?
Je vous entends dire que vous, vous auriez refusé l’enveloppe de 5 000 $. Que vous, vous n’auriez pas été au 357c. Qu’aucune collusion ne se serait passée sous votre règne. Sachez que si nous n’avons pu être fidèles à l’une des petites choses mentionnées plus haut et bien d’autres… alors nous n’aurions probablement pas pu l’être dans les plus grandes.
Être politicien représente entre autres de baigner dans l’immoralité, entouré de centaines de courtisans veulant obtenir des faveurs qu’ils croient vôtres. Les faveurs s’obtiennent par la tentation, et c’est le lit qu’on vous proposera. Mais je sais…vous, vous n’auriez pas succombé. Je peux parler au « vous » puisque, pour ma part, je sais déjà que je suis immoral et non ministrable. Dieu ait mon âme! J’enseigne à mes enfants la droiture, mais je leur souhaite d’être tentés, de chuter et de se relever.
Que personne ne se méprenne : je ne cautionne en rien la tricherie, le mal et l’injustice. Je reprends tout simplement à mon compte les textes des évangiles, celui sur qui n’a pas péché lance la première pierre, et cet autre sur la paille qui est dans l’œil du voisin. Je peux me permettre de les citer, car nous sommes religieux. Janséniste en fait. Nous sommes devenus les mauvais prêtres de nos semblables, ces prêtres qu’hier encore nous condamnions. Heureuse époque où les bûchers ont disparu… quoique? Et si vous pensiez que je parlais de l’affaire Breton vous n’avez pas compris. Je parle de poutre, de paille, de vierge offensée et de morale.
Tandis que nous désirons avoir des gens « propres », nous ne faisons aucune différence entre un linge sans tache et celui qui a été lavé. Le premier n’ayant jamais été mis à l’épreuve, et le second ayant appris de ses erreurs. Je me méfie des linges blancs, des pharisiens, incapables de faire face à la tentation. Pour le vrai linge sale… je pense que la brassée est commencée.
Noël s’en vient, et je nous souhaite, des politiciens avec du vécu, des repentis, humains, et qui sauront regarder les maux de notre société en face en leur disant : « je vous ai connus et je vous livrerai bataille ». Je nous souhaite de la mesure dans nos propos, un don qui s’est perdu. Et finalement de se rajouter une pincée de morale dans la tasse de café du matin.
Nous voulons que les politiciens changent? Changeons nous-mêmes, car vouloir des politiciens moraux dans une société immorale, ça s’appelle rêver… mais y’est pas interdit de le faire.