Point de vue

Le coup d'Etat du Hezbollah
Alexandre Najjar

LE MONDE | 13.05.08

Ce qui se passe au Liban est d'une gravité telle que la communauté internationale se doit de réagir au plus vite. A Beyrouth, en guise de "protestation" contre deux mesures prises par le gouvernement pour mettre un terme aux débordements du Parti de Dieu, celui-ci a occupé l'aéroport, le port et les principales artères de la capitale. Des hommes armés et encagoulés ont fermé la télévision, la radio et le quotidien du Courant du futur, fondé par Rafic Hariri, bafouant ainsi la liberté d'expression dont le Liban a toujours été un ardent défenseur.

Ils ont molesté des photographes, volé des voitures, incendié des bureaux, encerclé les domiciles d'opposants et resserré l'étau autour du Grand Sérail, où siège le gouvernement. Ces mesures, le Hezbollah ne les aurait jamais prises sans le feu vert de Damas et de Téhéran, dont il est le docile vassal. En franchissant la ligne rouge, Hassan Nasrallah (le secrétaire général du Hezbollah) met en péril le Liban tout entier et le plonge dans une nouvelle guerre civile aux conséquences désastreuses.

Ce que nous vivons aujourd'hui au pays du Cèdre est un véritable putsch fomenté par une milice chiite qui, depuis des années, a créé un Etat dans l'Etat et se comporte avec une arrogance insupportable, forte des armes que lui livre la Syrie et des millions que lui expédie l'Iran. Face à cette menace, le gouvernement libanais doit-il revenir sur les décisions courageuses qui ont mis le feu aux poudres ? Théoriquement, il le pourrait : un repli stratégique n'est pas une défaite. Mais ce serait, de l'avis des loyalistes, un aveu d'impuissance et un blanc-seing donné à l'opposition.

Il faut sauver le Liban. La communauté internationale ne peut rester les bras croisés face à ce qui constitue une violation flagrante de la résolution 1701 de l'ONU, qui exige le désarmement des milices et a été prise sous le chapitre 7, qui autorise l'usage de la force. Deux options s'offrent à elle : faire intervenir les troupes de la Finul (la force de l'ONU déployée au Liban sud) pour faire respecter l'ordre et la résolution en question ; faire pression sur l'axe Damas-Téhéran pour qu'il somme ses pions de faire marche arrière, sous peine de représailles. Plus de 70 % des Libanais refusent le diktat du Hezbollah et l'iranisation de leur pays par une milice que le monde qualifie de "terroriste". Donnons-leur les moyens de préserver leur libanité et leur liberté. Avant qu'il ne soit trop tard.

Retour