Ce qu'on a appris depuis un an sur le réchauffement

Philippe Mercure
La Presse
Le vendredi 04 avril 2008

Les glaces fondent plus vite que prévu. Le réchauffement a été révisé à la hausse. Ses impacts sont maintenant visibles sur tous les continents. Les nouvelles découvertes scientifiques, loin d'atténuer les inquiétudes, les renforcent: les changements climatiques altèrent notre planète. Et l'homme en est à la fois responsableet victime

Ils lancent des satellites dans l'espace pour l'observer de loin. Plongent dans ses coins les plus reculés pour mesurer ses signes vitaux. Monopolisent les meilleurs ordinateurs de la planète pour prévoir comment évoluera son état.

Depuis qu'ils ont suspecté sa première poussée de fièvre, les scientifiques auscultent la Terre comme une armée de docteurs au chevet d'un patient.

Leurs derniers doutes ont volé en éclats l'an dernier: le réchauffement climatique est maintenant «sans équivoque», tranchent les quelque 4000 scientifiques mis à contribution dans le quatrième rapport du GIEC - le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat.

La publication de ce rapport a fait de 2007 une année charnière en climatologie. Pour la première fois depuis 2001, les citoyens et les décideurs ont accès à un bulletin de santé complet et récent de leur planète qui fait consensus parmi les scientifiques, des plus conservateurs aux plus alarmistes.

>>Les prévisions du GIEC ici et ici
>>Les gaz à effet de serre au Canada.

Tour d'horizon des dernières découvertes et prévisions concernant notre monde.

Les derniers soupçons volent en éclats

Le réchauffement de la planète est maintenant «sans équivoque», tranche le GIEC. Et nous sommes condamnés à en subir les conséquences: même si les émissions de gaz à effet de serre étaient stabilisées demain matin, le réchauffement et la hausse du niveau des mers se poursuivraient pendant des siècles.

De record en record

Onze des 12 années entre 1995 et 2006 figurent au palmarès des plus chaudes jamais enregistrées (les données sont disponibles à partir de 1850).

Des hausses plus importantes que prévu

Les derniers chiffres indiquent que le thermomètre mondial a gagné 0,74 degré en 100 ans, alors que le GIEC parlait de 0,6 degré en 2001.

Des océans qui se réchauffent et gonflent

Comme l'air, les océans se réchauffent; on l'a mesuré jusqu'à trois kilomètres sous la surface. Cette hausse de température fait gonfler les océans par le principe d'expansion thermique. Avec la fonte des glaciers, elle provoque une hausse du niveau des mers.

De nouveaux chiffres sur la hausse des océans

Selon le troisième rapport du GIEC, publié en 2001, le niveau des mers a grimpé de 1,5 mm par année au cours du 20e siècle. Le rapport de 2007 fait plutôt état d'une hausse moyenne de 1,8 mm chaque année depuis 1961. Et la tendance s'accélère: depuis 1993, l'augmentation serait plutôt de 3,1 mm.

Autres symptômes

La fréquence des fortes précipitations a augmenté dans la plupart des zones terrestres.

Il y moins de journées et de nuits froides et moins de gel. Les journées et les nuits chaudes ainsi que les vagues de chaleur sont au contraire plus fréquentes.

L'activité des cyclones tropicaux dans l'Atlantique Nord a été plus intense depuis 1970.

La culpabilité de l'homme se confirme

Le GIEC est maintenant convaincu à 90% que l'essentiel des hausses des températures est attribuable aux activités humaines. La probabilité avait été fixée à 66% en 2001.

On n'hésite plus aujourd'hui à tenir l'homme responsable d'effets comme le réchauffement des océans et la modification de la structure des vents.

Les sceptiques changent de stratégieLe consensus scientifique qui entoure le réchauffement de la planète est aujourd'hui tel qu'il a rallié plusieurs sceptiques.

L'Association américaine des géologues du pétrole, qui avait suscité un tollé en 2006 en décernant son «prix des médias» à Michael Crichton, l'auteur d'État d'urgence (State of Fear), livre qui propage l'idée que les changements climatiques sont un coup monté des scientifiques, a reconnu en juillet dernier que la production de gaz à effet de serre par l'être humain contribue aux changements climatiques.

Claude Allègre, Christian Gerondeau et Bjorn Lomborg, trois des écosceptiques les plus influents de la planète, ont tous publié des livres l'an dernier qui présentent un trait commun: l'existence des changements climatiques n'est plus remise en question. Les opposants dénoncent plutôt la façon de les contrer, notamment le protocole de Kyoto et la place qu'a pris le discours écologiste dans la société.

90 %

C'est le taux de certitude des spécialistes du Giec quant au lien entre la hausse des températures et les activités humaines.en 2001, ce taux avait été estimé à 66%.

3,1 MM

Si le niveau des mers avait grimpé de 1,5 mm par année au cours du 20e siècle, il est en hausse de 3,1 mm par année depuis 1993.

,74 °

La température moyenne à la surface de la terre a grimpé de ,74 degré celsius depuis 100 ans, alors que les experts estimaient cette augmentation à ,60 en 2001.

Les effets sur l'homme et les écosystèmes

Sans en être absolument certains, les scientifiques croient que les bouleversements suivants ont aussi déjà commencé à altérer la planète. Les effets sont classés selon la probabilité qu'ils se produisent bel et bien:

Pratiquement certain (9 chances sur 10)

L'éclosion des bourgeons, les migrations des oiseaux et la ponte se produisent plus tôt.

Les aires de répartition de certaines espèces végétales et animales se déplacent vers les pôles et les latitudes plus élevées.

Très probable (8 chances sur 10)

Les lacs provenant de la fonte des glaciers sont plus nombreux et plus grands.

De nombreux cours d'eau présentent des débits accrus et des crues plus précoces à cause de la fonte des glaciers et de la neige.

Certains écosystèmes de l'Arctique et de l'Antarctique se transforment.

Les sols dans les régions de pergélisol sont plus instables, ce qui provoque des éboulements dans les régions montagneuses.

Les poissons migrent de façon précoce et leur aire de répartition dans les rivières est modifiée.

Les lacs et les cours d'eau se réchauffent dans de nombreuses régions. La qualité de l'eau est affectée.

Les algues et le zooplancton augmentent dans les lacs de haute altitude.

La végétation verdit de façon précoce dans de nombreuses régions.

Moyennement probable (5 chances sur 10)

Les changements climatiques ont modifié certaines activités humaines dans l'Arctique, par exemple la chasse et le transport sur la neige et la glace.

Dans les hautes latitudes de l'hémisphère nord, certaines cultures se font plus tôt au printemps. Les régimes forestiers sont déréglés par les incendies et les parasites.

Les changements climatiques ont affecté la mortalité liée à la chaleur en Europe, la propagation des maladies infectieuses et les allergies au pollen dans l'hémisphère nord.

Sources: Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), Association américaine de physique, Ressources naturelles Canada, NASA

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