Chapeau à Dion et à May

Gilbert Lavoie
Le Soleil
2 octobre 2008

Pour un changement, c'en était tout un. La première partie du «débat» des chefs hier soir a pris l'allure d'une entrevue de groupe qui n'avait rien des confrontations musclées qui caractérisent habituellement ces échanges. Seul Jack Layton se tournait vers Stephen Harper pour le critiquer, au lieu de répondre à Stéphan Bureau. Ce nouveau forum a bien servi Stéphane Dion, un habitué des entrevues à la télé avant d'entrer en politique. Le «prof Dion» avait réintégré son média dans cette rencontre qui a retrouvé, plus tard, l'allure d'un débat d'idées.

Autre constat : si on avait des doutes sur la pertinence d'inviter Elizabeth May, elle les a dissipés hier soir. Malgré un français laborieux, elle a eu des sorties lapidaires et bien à propos à l'endroit de Stephen Harper. Contrairement à ce que l'on aurait pu craindre, elle ne s'est pas égarée dans les détails du Protocole de Kyoto, et elle s'en est tenue à l'essentiel : la planète est en danger et le gouvernement ne semble pas s'en préoccuper. Stéphane Dion a également fait preuve d'un opportunisme efficace. J'ignore si les téléspectateurs ont compris son équation entre une taxe sur les pollueurs et la relance de l'économie, mais il a martelé son message, et c'est ce qu'il devait faire. Il l'a fait avec une passion qu'il ne parvient généralement pas à communiquer dans ses discours, et on l'a même vu sourire d'aise en demandant la parole à la fin du débat, ce qui montre à quel point il était satisfait de sa performance.

Gilles Duceppe a bien fait, mais il nous a habitués à bien faire dans ces débats dont il est le doyen. Jack Layton a également bien travaillé. Les deux hommes ont attaqué Stephen Harper sur plusieurs fronts et martelé les contradictions dans ses politiques sur les subventions aux pétrolières, le registre des armes à feu ou la Loi sur les jeunes contrevenants. Sur l'environnement, Gilles Duceppe a eu une répartie d'une rare efficacité à l'endroit de Stephen Harper, qui venait de reprocher à Stéphane Dion de n'avoir rien fait contre les gaz à effet de serre lorsqu'il était au pouvoir. Il lui a rappelé qu'il dénonçait alors les gestes des libéraux, au lieu d'appuyer leurs efforts contre la pollution.

À quatre contre un, il est normal que Stephen Harper ait donné l'impression de n'occuper qu'un espace restreint dans les échanges. Et tout bien pensé, il n'a pas cherché à occuper un plus grand espace. Il avait visiblement décidé de faire le dos rond et de laisser passer l'orage, sachant fort bien qu'il lui était impossible de gagner un tel débat en français, la langue maternelle de ses deux principaux adversaires. C'est ce soir, en anglais, qu'il doit faire des gains.

Hier soir, on a demandé aux leaders de dire du bien les uns des autres, et ils l'ont fait avec élégance et sincérité. Compte tenu du cynisme des gens à leur endroit, il était rafraîchissant de constater que malgré leurs divergences d'opinions, les hommes et les femmes qui s'engagent en politique éprouvent du respect les uns pour les autres.

Tout au long de la soirée, les machines politiques des chefs nous ont inondés de courriels réfutant les arguments de leurs adversaires. Allez donc savoir qui a raison et qui a tort dans une telle masse d'informations... Au fond, comme l'a dit Stephen Harper, «nos divergences d'opinions sont le reflet des divergences d'opinions qui existent dans la population. Et à la fin, quelqu'un doit décider».

C'était le but du débat d'hier soir : aider la population à choisir celui des chefs qui prendra les décisions à la tête du prochain gouvernement. À ce chapitre, la formule retenue pour la rencontre soir a été heureuse.

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