Les baby-boomers partent les poches vides

LÉO-PAUL LAUZON - 20 FÉVRIER 2012

De tous temps, les puissants et leurs pantins ont divisé les gens afin de renforcer leur domination. Pour exploiter toujours plus la population, rien de mieux que d’endoctriner le monde et de les monter les uns que les autres : vieux contre jeunes, immigrés contre autochtones, syndiqués contre atypiques, fonctionnaires versus privé, etc. Pendant ce temps, les exploiteurs dansent et passent pour des bienfaiteurs, et même des sauveurs.

Il y a tout de même une limite à intoxiquer le monde par le mensonge en se servant de données tronquées et des interprétations abusives et primaires. Agir ainsi est faire preuve de mépris et est une insulte l’intelligence. Il en est ainsi lorsque Éric Duhaime affirme, sans aucun fondement sérieux, que les baby-boomers sont de vils profiteurs qui partent avec la caisse en laissant aux jeunes les pots cassés qu’ils auront à payer. Tant qu’à beurrer épais, les vieux shnouks sont aussi certainement responsables de la multiplication du travail précaire et du recul des salaires dont les jeunes font les frais depuis 20 ans ?

Je met au défi M. Duhaime de me trouver les chiffres objectifs issus d’organismes tout aussi objectifs et professionnels, qui viennent corroborer ses prétentions à l’effet que les vieux ont vécu sur le party, se sont appropriés le gros cash et ont contracté une dette publique abyssale qu’ils lègueront aux jeunes qui, très souvent, sont leurs propres enfants. Par organisme sérieux, je pense à Statistique Canada, à l’Institut de la statistique du Québec, au vérificateur général du Québec ou du Canada, à la Régie des rentes du Québec, à l’ONU, à l’OCDE, etc. Il ne faut surtout pas tomber dans la propagande en utilisant des chiffres de l’Institut économique de Montréal, du Fraser Institute, des économistes de banques et universitaires de service.

Statistique Canada a affirmé qu’au cours des trente dernières années, le salaire des travailleurs a stagné même si le pays a connu une croissance économique phénoménale. Voilà donc des baby-boomers qui vont arriver à la retraite probablement endettés, avec, en prime, moins de services publics, moins de pensions de vieillesse publique et qui vont se faire traiter de profiteurs. Devenus des baby-boomers après 30 ans de travail, comment peuvent-ils être partis avec le jack-pot si leur rémunération n’a pas augmenté en termes réels, une fois tenu compte de l’inflation ? Il faut chercher ailleurs pour identifier ceux qui se sont accaparés la richesse collective… je suis prêt à offrir de l’aide au besoin !

Toujours dans le Journal de Montréal, un compte-rendu d’une étude de Statistique Canada : «Depuis 25 ans, le revenu de la classe moyenne n’a augmenté que d’un pauvre 53$» (2 mai 2008). Et il y a la Régie des rentes du Québec qui a dit : «Les retraités québécois au seuil de la pauvreté» (29 mai 2006). Éric Duhaime dit le contraire. Faut le faire ! L’idéologie et la fidélité inconditionnelle aux maîtres du monde rendent certains aveugles. Ah ben tiens, une récente étude de la Régie des rentes : «L’insécurité financière guette les futurs retraités» (14 janvier 2012).

Revenons à Statistique Canada : «Les 65 ans et plus avaient un revenu moyen de 16 000$ en 1997» (6 août 1998)… le gros luxe quoi ! Et «Selon Statistique Canada : un ménage sur trois n’a pas les ressources financières pour profiter de la retraite» (Journal de Montréal, 14 janvier 2002). Ils pourront toujours faire appel aux soupes populaires et aux banques alimentaires, les chanceux !

Par contre, on pouvait lire que «Les coffres pleins, les entreprises canadiennes sortent de la crise en pleine forme. En fait, leur santé financière n’a jamais été aussi bonne depuis 40 ans, a constaté Statistique Canada» (18 novembre 2009), texte repris dans Les Affaires du 16 juillet 2011. Voilà la vérité toute crue : les entreprises et leurs actionnaires s’en sortent les poches pleines et les baby-boomers, qui ont travaillé dur toute leur vie, ont eu droit, dans les faits, à moins de salaires et de revenus, même en juteuses périodes de croissance économique. Ils arrivent donc à la retraite non seulement les poches vides mais aussi avec de grosses dettes qu’ils ont dû contracter afin de faire vivre correctement leur famille et leurs jeunes enfants et de leur assurer un avenir décent.

Et ces baby-boomers, qui ont financé les acquis sociaux publics, dont les jeunes jouissent aujourd’hui, comme les autoroutes, le métro, les cégeps, le réseau de l’Université du Québec, les hôpitaux, Hydro-Québec, etc. ont droit, en signe de reconnaissance, à des accusations gratuites et mensongères et à des insultes.

Il me ferait plaisir d’argumenter avec M. Duhaime de plusieurs phénomènes socioéconomiques sur la base de données sérieuses issues d’organismes indépendants et compétents. Pas question d’argumenter en s’appuyant principalement sur des préjugés, des tabous, des dogmes et des ragots qui, malheureusement, constituent trop souvent le fondement des affirmations simplistes et racoleuses de Éric Duhaime et de ses semblables. Hélas, elles ne résistent aucunement à l’analyse objective des faits.