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Une entrevue avec Jacques Languirand - Évolution et catastrophe

«Nous ne voyons que les avantages qui peuvent nous être bénéfiques au présent,

sans penser aux risques occasionnés dans le futur»

Marie-Ève Graniero
Édition du mercredi 20 avril 2005

Mots clés : Québec (province), jacques languirand, jour de la terre

Alors que la nature revient à la vie et que partout bourgeonnent, foisonnent et gazouillent une multitude d'espèces animales et végétales, le Jour de la Terre nous revient pour une 35e édition, le 22 avril prochain.

Porte-parole du Jour de la Terre depuis déjà quelques années, Jacques Languirand a remarqué une évolution discrète, mais certaine dans les moeurs de la population. L'Histoire a prouvé que l'humanité, après une lente évolution, arrive toujours à un point de bascule où tout s'accélère. «J'ai remarqué que le nombre de gens qui prennent position pour l'environnement augmente, ce qui prouve cette évolution rapide des moeurs et l'intérêt de plus en plus marqué de la population pour les problèmes environnementaux», explique l'homme de lettres.

Plus de 500 millions de personnes établies dans 184 pays se réuniront pour célébrer cette année le Jour de la Terre, un geste qui contribuera à appuyer l'un des plus gros événements consacré à l'écologie et voué à la diffusion de l'information.

Situation critique

La Terre est-elle si polluée ? Est-ce que la situation écologique mondiale est critique au point de rallier les peuples ? «Il y a un fond de grande inquiétude chez moi, car nous en sommes à la sixième extinction de l'espèce», explique un Jacques Languirand qui se base sur un ouvrage de Richard Leakey et Roger Lewin, La sixième extinction, évolution et catastrophe (publié aux Éditions Flammarion). C'est un essai magistral sur la complexité croissante de la vie, dont la thèse centrale est que l'hominisation, notamment par les extinctions massives d'espèces vivantes qu'elle entraîne, correspondrait à la sixième catastrophe qu'aurait connue l'évolution naturelle en quatre milliards d'années.

«Si nous n'ajustons pas notre vision périphérique, nous pouvons nous attendre à la disparition de l'être humain», déclare donc le lecteur. Notre incapacité à voir le passé et l'avenir -- et, donc, à ne vivre qu'au présent -- serait la grande faiblesse qui pourrait perdre notre monde tel que nous le connaissons.

Selon l'auteur et communicateur, quatre pouvoirs régissent notre monde : le pouvoir économique gère le pouvoir politique, puis viennent les pouvoirs judiciaire et médiatique. Tous sont étroitement liés. L'argent et le pouvoir qu'il procure déforment notre vision du monde et de l'information. M. Languirand cite pour exemple la fonte de la calotte polaire. Cette catastrophe écologique est par contre une bénédiction pour le milieu des grandes entreprises car elle générera des coûts moindres de transport de marchandises. Cela, au détriment de la faune, de la flore et de certaines régions qui risquent de disparaître. «Mais, dit-il, nous n'y voyons que les avantages qui peuvent nous être bénéfiques au présent sans penser aux risques occasionnés dans le futur.»

Optimisme toujours

«Tel Hubert Reeves, je suis volontairement optimiste», dit-il. Loin de ne tracer qu'un tableau noir de la situation environnementale actuelle, M. Languirand affirme que le salut de l'espèce réside en premier lieu dans l'éducation populaire, puis dans la prise de position et au moyen de pressions exercées sur les gouvernements.

Le Jour de la Terre sert justement ce dessein. Les différentes activités et conférences sont organisées cette année sous le thème de «Réinventer la roue», une image qui rappelle l'importance d'utiliser des transports en commun ou écologiques tels que le vélo. Cette journée se veut donc une campagne de sensibilisation et d'actions dont l'enjeu est de démontrer les effets bénéfiques du transport durable.

Elle incite la population à changer ses habitudes de vie et de consommation en proposant des solutions et des gestes concrets au quotidien. Ainsi, le porte-parole du 35e Jour de la Terre espère que tous réussiront à transformer l'actuel état des choses. En résumé, cette journée du 22 avril entraînera une réflexion qui permettra de situer la place véritable de l'humanité dans le temps et dans l'espace de la biosphère, en éduquant la population sur différents moyens de protéger au quotidien notre environnement.

«Votez, dit-il avec passion, entrez dans les partis politiques, engagez-vous. Soyez conscient des organismes écologiques ou des écoquartiers qui existent près de chez vous. Il faut agir très vite.» Car, comme il l'explique si bien, nous n'avons qu'une planète et elle se trouve dans un sale état.

Le plus important, résume-t-il, c'est de ne pas se décourager, mais de se donner des raisons pour s'encourager.



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