Ceux qui font le lien entre l'islam et le terrorisme,
ce sont ceux qui se font exploser dans des autobus, des boîtes de nuit, des marchés, des métros et des avions en criant: «Allah Akhbar.»
Patrick Lagacé
La Presse
Le jeudi 15 mai 2008
Quel beau métier, caricaturiste. Payé pour être bête et méchant.
Quoi? C'est comme le métier de chroniqueur? Oui, mais écrire, c'est un million de fois plus compliqué que dessiner, non?
Bon, bon, calmez-vous, amis caricaturistes. N'envoyez pas tout de suite le communiqué de presse dénonçant mon insensibilité. Je veux justement vous défendre.
Bruce MacKinnon est caricaturiste au Halifax Chronicle-Herald. Récemment, il a pondu un dessin à propos d'une musulmane locale, Cheryfa MacAulay Jamal.
La dame est mariée à Abdul Qayyum Jamal, un des 17 suspects arrêtés à Toronto dans une frappe policière contre une supposée cellule terroriste, en 2006.
Ces derniers mois, la Couronne a abandonné les accusations contre plusieurs des suspects, mineurs et adultes. Dont M. Jamal, qui était soupçonné d'avoir organisé un camp d'entraînement djihadiste en forêt.
Mme Jamal, une convertie qui porte la burqa et qui a élevé ses quatre enfants seule pendant l'année et demie d'incarcération de son mari, promet de poursuivre l'État canadien. Et, a-t-elle déclaré en entrevue: «I want millions.» Elle veut des millions de dollars en guise de compensation. Sans doute les mérite-t-elle.
La caricature de Bruce McKinnon montre Cheryfa MacAuley Jamal tenant une affiche: I WANT MILLIONS. Une bulle lui fait dire: «Pour le prochain camp d'entraînement de mon mari.»
Comme je disais: un dessin bête et méchant. Comme les meilleures caricatures publiées en Occident depuis près de 300 ans.
Le Center for Islamic Development d'Halifax n'a pas apprécié le dessin de MacKinnon. Déclaration d'un porte-parole, Will King: «Cela crée un environnement de haine» envers les musulmans.
On lit cela et on se dit, ciel, ces gens-là ont la peau bien sensible.
Et des liens de cause à effet bien ténus...
Appelez le 9-1-1
Sauf que ce n'est pas tout. Les islamistes d'Halifax ont décidé de judiciariser l'affaire. Mais non, pas en portant le cas devant un tribunal civil. En portant plainte à la police. Pour crime haineux!
Bref, on ne parle pas ici de sortir le proverbial canon pour écraser une mouche. Non, on sort ici la bombe H pour écraser la même mouche.
Ce serait seulement risible si la plainte à la police de Halifax ne s'inscrivait pas dans une tendance.
Celle, chez les islamistes canadiens, de justement lancer des bombes à neutrons pour museler des médias sérieux, qui n'ont rien à voir avec des publications racistes d'extrême droite. Sous prétexte de publication de contenu «insensible».
En 2006, le Western Standard publie les fameuses caricatures danoises ciblant Mahomet. Résultat: des islamistes albertains portent plainte à la Commission des droits de la personne de la province. Une plainte à la police est également déposée, pour propagation de littérature haineuse.
Décembre 2007: quatre musulmans, représentés par le Canadian Islamic Congress, «offensés» par un dossier du magazine Maclean's sur la montée démographique de l'islam, portent plainte. Devant les Commissions des droits de la personne du Canada, de l'Ontario et de la Colombie-Britannique. Trois Commissions. Trois!
Mai 2008: plainte à la police de Halifax pour le dessin de MacKinnon dans le Chronicle-Herald. Doublée, bien sûr, d'une plainte à la Commission des droits de la personne de la Nouvelle-Écosse.
La tendance: plutôt que de perdre leur temps devant des tribunaux civils, là où se règlent généralement les cas de libelle diffamatoire touchant des médias, on ameute les flics et on alerte les commissions de droits de la personne.
Mais bon, les islamistes ont le droit d'exagérer. Et j'ai le droit de trouver ça risible, ridicule et stupide. Ce n'est plus de la recherche de justice, c'est du pleurnichage victimisant.
Intouchable
Pascal Bruckner, dans La tyrannie de la pénitence, évoque la naissance du terme islamophobie, si souvent claironné par les islamistes, ainsi: L'invention est habile, car elle revient à faire de l'islam un objet intouchable sous peine de racisme (…) Bref, on confond le racisme anti-musulman - attaquer un lieu de culte, par exemple - qui, lui relève des tribunaux, avec le libre examen de la doctrine
Or, c'est ce qui se démarque des trois cas dont je vous parle ici. Un désir de soustraire l'islam à la critique. De le rendre intouchable. Touche pas à mon Prophète ou j'appelle les flics
Le dessin de Bruce MacKinnon était bête et méchant. Pas vraiment nuancé. Mais une plainte aux flics? Come on. Pourquoi pas le Tribunal pénal international, tant qu'à y être?
Mémo aux islamistes canadiens: bravo, avec un zeste de zèle supplémentaire, vous allez bientôt devancer le B'nai Brith, un autre lobby porté aux exagérations ridicules.
Revenons à Will King, porte-parole du Center for Islamic Development d'Halifax, qui a reproché à MacKinnon d'avoir fait un lien entre le terrorisme et l'islam.
Il faudrait dire à M. King qu'au XXIe siècle, ceux qui font d'abord et avant tout le lien entre l'islam et le terrorisme, ce sont les salopards qui se font exploser dans des autobus, des boîtes de nuit, des marchés, des métros et des avions en criant: «Allah Akhbar.»
C'est peut-être «insensible», bête et méchant de le dire, mais c'est ça quand même.