Hijab : où sont passées les vraies rebelles ?

 

LE SOLEIL - POINT DE VUE
Olivier Kaestlé
Le mardi 03 juin 2008
Trois-Rivières

Parmi les points litigieux du rapport Bouchard-Taylor, la position des «sages» sur le voile islamique relève de l'arbitraire et de l'utopie. Interdit aux magistrates et aux policières, autorisé aux infirmières et aux enseignantes. Il faut admettre que les divergences au sein même de la communauté musulmane sur cette question controversée ne favorisent en rien une option claire. Si une nette majorité de ses membres a relégué ce bout de tissus aux oubliettes, certains lui accordent une importance aussi obsessive que celle attribuée par des Québécois de souche à la prière au Conseil de ville.

Ainsi, Najat Boughaba, du Congrès islamique canadien au Québec, réaffirmait récemment, à Dominique Poirier en direct, son droit de porter le hijab. Non sans impétuosité, elle a martelé qu'il s'agissait d'un geste libre et assumé. Bref, puisque le voile islamique ne la dérange pas personnellement, pourquoi devrait-il importuner qui que ce soit? À notre collectivité d'en admettre l'usage, comme si ce vêtement ne véhiculait aucune connotation d'oppression ancestrale, ni immédiate, envers les femmes.

En théorie, le Coran n'oblige pas le port du voile. On oublie un peu hâtivement qu'en Arabie saoudite, ce vêtement est imposé, que les femmes ne peuvent conduire d'auto, ni se déplacer sans chaperon, que leur accès aux études et au travail reste limité, et que nombreuses tentent de se suicider pour échapper à l'étau de leur quotidien.

En Iran, la police harcèle les femmes qui ne portent pas le voile de façon réglementaire. Une iranienne, Marjane Satrapi, vient de réaliser un film d'animation intitulé Persépolis, qui dénonce le hijab comme outil d'oppression, qualifié par l'une des protagonistes de «maudit torchon». Rien de moins. L'Afghanistan, avec ou sans talibans, est-il plus permissif ? Au Québec même, un fanatique a assassiné sa fille, en décembre, parce qu'elle refusait de porter le hijab. Et il faudrait rester insouciant ?

Devant de telles tragédies, on serait en droit d'attendre du mouvement féministe, spécifiquement, une prise de position musclée. Au lieu de ça, Michèle Asselin, présidente de la Fédération des femmes du Québec, avait déclaré, mi-figue, mi-raisin, devant la commission, que «le port du voile ne contrevient pas nécessairement au principe d'égalité homme-femme». Quelle audace revendicatrice ! Son organisme devait applaudir sans réserve les 37 recommandations du rapport final. De son côté, Françoise David, de Québec solidaire, elle-même ancienne présidente de la FFQ, approuvait, avec le même enthousiasme déconcertant, la recommandation régissant les signes religieux, dont le voile islamique, appliquée aux employés de l'État.

C'est au Conseil du statut de la femme que revient le mérite d'avoir sauvé l'honneur féministe, avec une position claire, engagée et sans complaisance quant aux signes religieux. Sa présidente, Christiane Pelchat, avait affirmé à La Presse que «tout service public devrait être exempt de quelque connotation religieuse que ce soit», avant d'ajouter que, pour le Conseil, «laïcité et égalité entre les hommes et les femmes vont de pair, et la laïcité préconisée par le rapport ressemble plus à du gruyère qu'autre chose.» Il y a des jours où la conscience sociale des fonctionnaires surpasse celle des militantes…

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