Le Devoir
Claude Lévesque 
25 janvier 2012
Discours sur l'état de l'Union - Obama veut plus de justice fiscale 

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Photo : Agence Reuters Jason Reed

Barack Obama s'est engagé hier à instaurer plus de justice dans la fiscalité américaine, dans un discours sur l'état de l'Union — son dernier avant le grand rendez-vous électoral de novembre — qu'il a essentiellement consacré à l'économie et à la création d'emplois.

«Des millions d'Américains qui travaillent dur et respectent les règles méritent un gouvernement et un système financier qui font la même chose. Il est temps d'appliquer les mêmes règles du haut jusqu'en bas», a plaidé le président américain dans une allocution qui se voulait optimiste et inspirante.

«La réforme fiscale doit suivre la règle [proposée par le millionnaire Warren] Buffett: si vous gagnez plus d'un million de dollars par an, vous ne devez pas payer moins de 30 % d'impôt», a précisé M. Obama.

Le président a par ailleurs proposé d'aider les entreprises qui maintiennent les emplois aux États-Unis au lieu de récompenser celles qui les «exportent outre-mer».

Le chef de la Maison-Blanche a dit vouloir créer «une économie faite pour durer» basée sur l'industrie manufacturière, les sources d'énergie locales, la formation de la main-d'oeuvre et une renaissance des «valeurs américaines».

Malgré la légère baisse du taux de chômage enregistrée récemment et six mois de création nette d'emplois, la faiblesse de l'économie et l'état du marché du travail demeurent les grandes préoccupations des Américains.

Ces derniers sont arrivés à une croisée des chemins, croit Barack Obama. «Nous pouvons soit nous contenter d'un pays où un nombre de plus en plus faible de gens s'en sortent bien, pendant qu'une part croissante des Américains s'en sortent tout juste. Ou nous pouvons restaurer une économie où tout le monde a une chance, où tout le monde fait sa part et où tout le monde joue selon les mêmes règles», a-t-il précisé. 

Le président a annoncé la création au sein du département de la Justice d'une agence chargée de réprimer les fraudes dans le secteur financier.

Il a par ailleurs proposé de former deux millions de travailleurs déclassés grâce à des programmes où collaboreront les entreprises et les collèges communautaires. Il a également exigé que les universités s'abstiennent de hausser leurs droits de scolarité sous peine de voir leurs subventions réduites.

Barack Obama ne peut plus vraiment se présenter comme le candidat de l'«espoir» et du «changement» comme il l'avait fait en 2008. Il doit au contraire défendre le bilan d'un premier mandat réalisé dans des conditions difficiles. À quelques reprises, il a implicitement blâmé son prédécesseur pour la récente crise économique. À d'autres, il a mis promis de «contrer l'obstruction par l'action» et mis le Congrès en garde contre «toute tentative de revenir aux politiques qui ont provoqué [la] crise économique» de 2008.

Le président démocrate, qui martèle ce genre de thèmes depuis des mois, quittera Washington dès demain pour aller rencontrer pendant trois jours des électeurs dans cinq États.

Répondre au ressentiment populaire

Barack Obama ne pouvait pas ne pas tenir compte du ressentiment éprouvé par un grand nombre d'Américains à l'égard des gens très riches, dont ceux qui oeuvrent dans le monde de la finance, ressentiment qui s'est exprimé non seulement à travers l'«occupation» de parcs dans les grandes villes, mais également dans les réponses à de nombreux sondages.

La question est tellement présente dans les esprits que le candidat à l'investiture républicaine Mitt Romney, qui a fait fortune en dirigeant un fonds d'investissement, s'est senti obligé de publier hier sa déclaration de revenus. L'ancien gouverneur du Massachusetts a ainsi indiqué sur Internet qu'il avait touché près de 21 millions l'an dernier, imposés à un taux 15,4 %, plus faible que pour la moyenne des salariés.

Le président devait cependant éviter toute rhétorique donnant l'impression de prôner la lutte des classes, concept tabou s'il en est un aux États-Unis.

Les relations entre Barack Obama et le Congrès sont exécrables depuis des mois. Avant les élections de mi-mandat en novembre 2010, le président avait réussi à faire adopter, moyennant de gros compromis, certaines mesures telles que l'assurance maladie, la réglementation du secteur financier et un programme de relance économique, parce que son parti était majoritaire dans les deux chambres. 

Aujourd'hui, c'est la paralysie presque complète sur la colline du Capitole, où des décisions doivent pourtant être prises bientôt sur divers programmes, surtout de nature fiscale, qui arrivent à échéance.

Politique internationale


Sur le plan international, Barack Obama a noté que les militaires américains ne combattent plus en Irak et que la haute direction d'al-Qaïda a été décapitée avec l'élimination d'Oussama ben Laden. Il a même entamé son allocution sur ce thème avant de passer rapidement aux enjeux de politique intérieure.

Il a par ailleurs réitéré sa conviction que la situation s'améliore en Afghanistan, où les Américains ont commencé à réduire le nombre de leurs soldats. (Une affirmation que semble contredire un récent rapport de l'OTAN sur l'armée et la police afghanes). 

M. Obama a aussi haussé le ton contre la Chine, qu'il accuse de piratage des produits américains et d'autres «pratiques commerciales injustes», annonçant la création d'un nouveau service chargé d'enquêter sur ces dernières.

«Qu'il n'y ait pas de doute: l'Amérique est déterminée à empêcher l'Iran d'acquérir l'arme nucléaire et je garde toutes les options sur la table pour atteindre ce but. Mais une résolution pacifique de cette question est encore possible», a-t-il déclaré par ailleurs.

Discours à la nation

Les faits saillants du discours d'Obama
Richard Hétu

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