JOANNE MARCOTTE - 10 JUIN 2012

Le débat gauche/droite remplacera-t-il la question nationale comme axe politique principal au Québec?

Reconnaissons d’abord qu’il en faut peu, au Québec, pour qualifier un discours « de droite ». Il suffit de reconnaître les excès du pouvoir syndical, l’échec du monopole de l’État en matière de santé, l’interventionnisme démesuré de l’État dans l’économie, l’impasse des régimes de retraite du secteur public, et le cul-de-sac vers lequel nous mène l’endettement public, pour être vus comme de dangereux « droitistes » sans coeur ni conscience morale.

Par ailleurs, que la gauche se rassure. Ni ces constats ni ceux des « lucides » de Lucien Bouchard ont inspiré le gouvernement pour proposer de véritables changements structurels au modèle québécois. Tout au plus, tente-t-on de ralentir la vitesse à laquelle le Québec frappera le mur. En attendant l’écroulement fatidique du Gouvernemaman, « mieux et plus financer le modèle québécois » demeure le leitmotiv de la classe politique québécoise, tous partis confondus.

Non. Ce à quoi nous assisterons dans un premier temps ne sera pas un débat gauche/droite dont l’enjeu principal est la révision du rôle de l’État. En fait, s’il y a quelque chose que nous aurons appris au cours des dernières semaines, c’est qu’au Québec, on ne débat pas.

La raison ayant foutu le camp, nous sommes pour un temps, espérons-le assez court, dans un espace lyrique conditionné par des apprentis-révolutionnaires en lutte contre les fondements mêmes de notre État de droit, contre la démocratie libérale et surtout contre le libéralisme économique, ennemi numéro un qu’il est temps d’abattre selon eux.

Comme l’a superbement bien démontré récemment le professeur de philosophie du Collège François-Xavier Garneau, Frédérick Têtu, ce à quoi nous assistons n’est pas une lutte entre la gauche et la droite. C’est une lutte entre la gauche et « plus de gauche », entre les partisans d’une social-démocratie de centre-gauche et les partisans d’une gauche radicale dont nous ne soupçonnions même pas l’existence jusqu’à tout récemment.

Pensons à la Fédération étudiante de la CLASSE, à la Convergence des luttes anti-capitalistes (CLAC), aux Forces armées révolutionnaires du Québec (FARQ), à Québec solidaire d’Amir Khadir et à ses composantes communistes, et à tous ceux qui encouragent à coups de carrés rouges leurs initiatives, Parti québécois en tête.

Cette « nouvelle gauche radicale », ce mouvement « Faisons payer les autres », par exaltation, conviction ou par pur électoralisme opportuniste, revendique donc plus d’État, plus de gratuité, plus de nationalisations, plus de subventions, plus d’impôts et plus de taxes.

Enfin, pour répondre plus directement à la question posée, à savoir si les débats gauche/droite remplaceront la question nationale comme axe principal au Québec, je crois comme la majorité des Québécois, qu’il est rafraîchissant de le croire et absolument essentiel qu’il en soit ainsi.

Le Québec ne pourra s’épargner la réflexion, les débats et les sacrifices pour se sortir de l’impasse. Pour l’heure, toutefois, il semble que nous en sommes très loin et que la phase de transition sera pénible et ardue.