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Irresponsabilités

ÉDITORIAL
Irresponsabilités
LE MONDE | 15.07.06 | 13h48  .  Mis à jour le 15.07.06 | 13h48


Le Liban bombardé par Israël pour la quatrième journée ; la Syrie et l'Iran sur
la défensive ; l'opinion arabe mobilisée ; une partie des Israéliens sous le feu
de roquettes tirées depuis la frontière nord : tous les ingrédients d'une
escalade incontrôlée sont réunis au Proche-Orient. Or, n'étaient une vaine
tentative de résolution esquissée vendredi 14 juillet par l'ONU et quelques
propos lénifiants entendus à Saint-Pétersbourg, en Russie, où se tient un sommet
du G8, la communauté internationale paraît plus impuissante que jamais. Elle
paie des années d'indifférence et de passivité devant le pourrissement du
conflit israélo-palestinien.
Car c'est ce conflit qui déclenche le drame actuel : le parti chiite libanais
extrémiste Hezbollah a choisi de défier Israël en enlevant deux de ses soldats
dans la région frontalière pour apporter son soutien au parti islamiste
palestinien Hamas, lui-même sous les coups de Tsahal à Gaza depuis qu'il a
kidnappé le caporal Gilad Shalit, le 25 juin... La crise de Gaza a conduit à
celle du Liban, qui, elle-même, n'a été possible que parce que la Syrie et
l'Iran ne sont pas opposés au coup de force de leur protégé libanais, le
Hezbollah. Tout est lié, et les engrenages les plus dévastateurs sont à craindre.
Au Proche-Orient, l'administration Bush a inventé une sorte de coquille vide
tenant lieu de cadre de négociation : le Quartet. Il réunit les Etats-Unis, la
Russie, l'Union européenne et l'ONU et a pour objet de faire semblant de
favoriser un dialogue israélo-palestinien. Le Quartet ne sert à rien. Qui sait
quand il s'est réuni pour la dernière fois ? Ses membres ont choisi d'être
impuissants, pour des raisons diverses.
Depuis l'arrivée de George W. Bush à la Maison Blanche, les Etats-Unis ont
abandonné leur rôle d'" honnête médiateur" et collent à la politique d'Israël,
quelle qu'elle soit. Les Russes n'ont pas de stratégie particulière, sinon celle
de rendre la vie difficile aux Américains. Les Européens ont du mal à se faire
entendre, faute d'exister politiquement. Et, comme l'a montré une pathétique
prestation vendredi soir au Conseil de sécurité, l'ONU est impuissante : elle
est le reflet de la mauvaise volonté de tout le monde.
"Ne nous laissez pas face à face avec les Palestiniens", confiait un ancien haut
diplomate israélien. Il appelait à une intervention de la communauté
internationale, comme dans les Balkans, où, disait-il, Américains, Européens et
même Russes finirent par agir de concert. On les a "laissés face à face". On a
laissé dégénérer une situation où l'Autorité palestinienne a succombé à ses
tendances autodestructrices et aux coups des Israéliens. On a laissé les
protagonistes cultiver leurs vieux démons. Au bout de cette chaîne
d'irresponsabilités, il y a l'affrontement, sur le champ de bataille préféré des
uns et des autres : le Liban.