Les Interdictions imposées aux Québécois de souche

30 septembre 2013 10h37 · Paul Proulx

Les immigrants sont très frustrés de voir que l’on veuille leur imposer des restrictions au port des signes religieux quand ils sont au service de l’état. Se sont-ils interrogés sur les interdits qu’ils nous imposent depuis longtemps.

Dans les écoles, les demandes irraisonnables abondent. On crée des locaux de prières alors que la chapelle des anciennes écoles a été transformée en bibliothèque ou en gymnase. Les écoles maintenant classées selon la langue opèrent un retour en arrière en acceptant de respecter les particularités religieuses. Les prêtres ont délaissé le collet romain et les religieuses ont abandonné leurs coiffes dans le cadre des services publics. Voilà qu’apparaît le voile islamique que l’on demande de tolérer alors que nous avons rejeté les soutanes et le costumes des religieuses. Nous avons demandé à ces dernières de se dévoiler alors que nous serions racistes si nous demandions la même chose aux membres des autres dénominations religieuses

Hormis les signes ostentatoires, la charte ne règlerait pas les problèmes d’ordre confessionnel dans les écoles où il est devenu difficile de gérer l’appartenance religieuse. Nous avons banni le catéchisme et les pratiques religieuses. Je me rappelle du temps où j’emmenais obligatoirement les élèves à l’église pour les confessions mensuelles ou la communion solennelle. Voilà que 50 ans plus tard, les enseignants doivent accepter de remettre la date de leurs examens pour des motifs religieux ; ils doivent accepter les exemptions à leurs cours pour les mêmes raisons. La mixité que nous avons défendue est à nouveau combattue. On impose aux filles de ne pas suivre les mêmes cours d’éducation physique que les garçons. On demande aux directions d’école que les enfants n’aient pas un enseignant de sexe opposé. On refuse également la participation aux événements que l’on souligne comme l’Halloween. On refuse que l’enseignant décore sa classe pour Noël. L’école est devenue un foyer d’exemptions. Il est impossible d’implanter un régime pédagogique uniforme pour tous et chacun. On impose aux enseignants une double tâche. Il doit toujours prévoir des exercices supplémentaires pour les élèves qui sont exemptés de leurs cours. Heureusement que j’ai quitté l’enseignement ! Moi qui aimais faire chanter les élèves en classe, ma matière s’y prêtant, je ne pourrais plus le faire aujourd’hui.

L’enseignement à l’école primaire est problématique. La charte ne règlera aucunement le code de vie scolaire. Au secondaire, au cégep et à l’université, la situation est moins aiguë. Mais il demeure que le voile, par exemple, divise. Ce n’est pas son absence qui divise comme le soutiennent les tenants de son port. C’est le contraire. C’est sa présence qui souligne la différence. Certains affirment béatement que cette différence ne devrait pas nous toucher. Nous refusons-nous le droit de définir ce que devrait être notre nation ? La réflexion sur la différence ethnique et religieuse devrait-elle conduire à un État à deux ou trois vitesses ?

Déjà, on a prescrit de nombreuses interdictions aux Québécois de souche. Heureusement, elles ne sont pas généralisées. Mais elles existent. On interdit à une policière d’intervenir si le contrevenant est musulman. On interdit à un médecin de traiter les femmes qui se rendent à l’urgence. On interdit de se faire traiter par une femme s’il s’agit d’un homme. On refuse que les hommes se trouvent dans une piscine si les musulmanes y sont. Voici quelques exemples d’intolérance vécue dans une institution. Un étudiant s’est vu refuser l’accès à l’ascenseur où se trouvaient des musulmanes ; un enseignante a vu ses élèves quitter son cours de francisation parce qu’elle projetait un film pour mesurer leur compétence linguistique. Un autre a changé de son gré le mot Dieu dans une chanson d’Édith Piaf pour ne pas déplaire à certains élèves.

Et que penser des situations suivantes ? Dans un contexte d’accommodements raisonnables, un employeur juif a quand même refusé le droit d’apporter des sandwichs au jambon au travail. Dans un commerce, une musulmane a refusé d’être servie par un homme ? En apprenant ce cas, j’ai eu recours au même stratagème. La commis musulmane m’a chassé illico de son magasin. Et je me souviens des pleurs d’une de mes étudiantes qui s’est vu obliger par ses parents de couper court à son amour pour un roumi. On soumet encore ses enfants à des amours interethniques. Au plan des entreprises, peut-on exiger d’un propriétaire d’abattre ses poulets selon un rite religieux ?

On veut que les prétendus droits soient respectés, mais on ne se prive pas de brimer ceux des roumis et des goyim (non-musulmans et non-juifs). Pourtant la charte de Bernard Drainville ne touche aucunement aux interdictions qui nous sont déjà imposées. On reproche au projet de fermer les portes de l’emploi dans la fonction publique. Par contre, on interdit souvent aux Québécois de souche d’enseigner dans leurs institutions ou on les oblige à une tenue vestimentaire ad hoc. Pourquoi refuserait-on à une enseignante de porter un pantalon dans une école juive alors que l’on se plaint de devoir abandonner sa kippa dans un service public ?

On pratique la politique du deux poids, deux mesures. Une loi très ouverte pour les immigrants et leur descendance et une loi plus restrictive pour les francophones qui ont immigré il y a 400 ans. Ce ne sont pas les droits des exilés qui sont menacés, mais les droits de ceux qui ont jadis organisé leur vie autour de principes propres à une culture maintes fois bafouée. Il faut se rappeler que sous la gouverne anglaise, les Québécois ont été soustraits du droit de siéger au parlement. Il y a une méconnaissance de notre Histoire qui porte à soumettre encore un peuple, établi depuis longtemps, à la culture de l’autre. On ne défend pas l’intégration, mais le sectarisme culturel. En bout de ligne, nous aurons une société ingouvernable si jamais ne nous parvenons pas à adopter des règles communes. Je trouve que nous tournons peu à peu le dos à un État laïc pour se mouler dans un État qui afficherait les couleurs religieuses de toute obédience.