Un simulacre de laïcité

Opinion

Lettres - Un simulacre de laïcité

Gisèle Filion
Le Devoir
Montréal, le 10 juin 2008


Choisir la démocratie, c'est accepter que la souveraineté appartienne à l'ensemble des citoyens. Choisir la théocratie, c'est choisir la suprématie de son Dieu. On peut respecter les valeurs démocratiques et respecter ses valeurs religieuses, ce que font la majorité des croyants. Cependant, privilégier ses valeurs religieuses au point de refuser de faire tout compromis pour la laïcité de l'État, afin que l'égalité de tous soit efficiente, n'est-ce pas refuser la démocratie? N'est-ce pas aller dans le sens de la théocratie?

En proposant d'accepter le port de signes religieux pour des employés de l'État, le rapport Bouchard-Taylor ne permet-il pas aux croyants d'aller dans le sens de la théocratie et ne nous éloigne-t-il pas, par le fait même, de la démocratie?

En réclamant la neutralité pour ses représentants, l'État se donnerait le moyen d'écarter de la fonction publique tous ces gens qui donnent priorité à leur Dieu. On éviterait ainsi que ces gens qui privilégient leur Dieu soient en conflit avec d'éventuelles directives de l'État qui pourraient être perçues, à tort ou à raison, comme allant à l'encontre de leurs préceptes religieux.

Le rapport Bouchard-Taylor invoque l'égalité des chances à l'emploi dans la fonction publique. Mais dans la fonction publique, les candidats ne doivent-ils pas se qualifier pour obtenir les postes? Tout comme un enseignant de morale doit avoir un dossier judiciaire vierge pour se qualifier à ce poste, sans que cela ne cause un tollé, ne pourrait-on pas envisager que le fait d'afficher une neutralité est déjà un signe d'aptitude à la neutralité? N'est-ce pas déjà le signe que l'on ne fait pas passer son Dieu avant l'État?

N'est-ce pas témoigner de sa volonté de vivre dans une démocratie? Au contraire, comment présumer de la neutralité d'un individu qui n'est pas prêt à afficher une certaine neutralité en faisant ce compromis? Surtout lorsqu'il aspire à servir l'État laïque de façon neutre et impartiale?

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