Quel vide intellectuel. Quelle indigence de la pensée. Comment peut-on amasser un si grand nombre de litotes et de lieux communs dans un aussi petit nombre de paragraphes? C’est ce que je me suis dit en lisant le manifeste de la CLASSE.
Le ton lyrique pépère, la prétention loufoque de représenter le peuple, l’appel à la démocratie directe, le rejet des partis politiques et des institutions parlementaires: tout cela rappelle la naissance du fascisme en Italie dans les années 1920. Mussolini et ses partisans, qui venaient du parti socialiste italien, chantaient, comme la CLASSE, «Nous sommes avenir», «Nous sommes le Peuple.»
Comme la CLASSE, ils voulaient incarner l’«Uomo Qualunque», l’homme quelconque. La rue contre les institutions démocratiques. Remplacer ici Québec par Italie: «Le sol du Québec vibre au rythme de centaines de milliers de pas depuis plusieurs mois. (…) Cette force a animé étudiantes et étudiants, parents, grands-parents, enfants, travailleuses et chômeurs.» Ailleurs, on parle des «gais, straight, bisexuelles.» Pourquoi laisser de côté les transgenres, les travestis, les immigrants et les chômeuses?
Le fasciste Jacques Doriot (issu du parti communiste) et le Parti populaire français de l’entre-deux-guerres auraient pu faire la déclaration suivante de la CLASSE: «Notre vision, c’est celle d’une démocratie directe sollicitée à chaque instant. Notre vision, c’est celle d’une prise en charge permanente de la politique par la population, à la base, comme premier lieu de la légitimité politique.»
L’extrême droite allemande a conquis le pouvoir par des élections dans une formation qui s’appelait le «parti national-socialiste des travailleurs allemands.» Une partie significative des travailleurs, des chômeurs et des démunis allemands ont voté avec enthousiasme en sa faveur. Dans un premier temps, le parti recrutait aussi un bon nombre de gais avant qu’Hitler se retourne contre eux.
Le manifeste revendique «… un monde différent, loin d’une soumission aveugle à la marchandisation.» Ce refus des rapports marchands est une caractéristique qui unit l’extrême gauche à l’extrême droite. Le fascisme rejoint ici le communisme.
Il y a aussi dans le manifeste de la CLASSE des relents de fémino-fascisme, pour qui la liberté de parole s’énonce comme suit: t’as le choix d’être d’accord avec nous ou de fermer ta gueule. Les «Gender politics» occupent plus de place que les questions touchant les démunis, les immigrants et les vieux qui sont, bien avant les femmes, les laissés pour compte de notre société.
Diantre! comme dirait Yves Michaud, tout le monde sait qu’ici au Québec, nous sommes depuis toujours une société dominée par les bonnes femmes. Le manifeste de la CLASSE montre clairement qu’elles sont aussi les «bosses» dans le mouvement.
Après avoir longuement énuméré toutes les bonnes causes et dénoncé tout ce qui mérite d’être dénoncé dans la plus stricte rectitude politique, la CLASSE s’affiche virilement… oups, toutes mes excuses les filles… audacieusement, pour le bien et contre le mal. Magnifique! Bravo! Quel courage!
Comment peut-on écrire un tel ramassis d’inanités qui ne veulent strictement rien dire. Toutes les causes à la mode sont brassées dans cette gibelotte. Ce manifeste est une ode au prêt-à-penser politique. Une caricature de ce qui se fait de plus crétin du côté gauche de l’échiquier politique depuis que le marxisme et le communiste se sont fracassés sur le réel il y a une vingtaine d’années.
On invoque l’espoir, la solidarité, l’égalité (pas la justice?) et un monde nouveau. Pourquoi pas des lendemains qui chantent, tant qu’à aligner des clichés!
«Nous sommes le peuple», moi œil! Les enfants des plus pauvres, des plus négligés de notre société ne vont pas à l’université et pour la majorité d’entre eux, n'espèrent même pas y aller. Pourtant c’est leurs taxes qui paient la quasi-gratuité pour les rejetons de la petite bourgeoisie bureaucratique que rassemble la CLASSE.
J'ai toujours eu l'impression que La Classe était commanditée par Les importations M.E.R.