Appliquer la loi sans s’enfarger dans des considérations ethniques, de couleur ou de religion

Le jeudi 08 mars 2007

ACCOMMODEMENTS RAISONNABLES

Les policiers du SPVM sur les bancs d'école

Sara Champagne
La Presse

Les policiers de Montréal devront suivre une formation sur le profilage racial et les accommodements raisonnables d’ici l’an prochain. Il s’agit d’un précédent au Québec. L’initiative est toutefois dénoncée par la Fraternité des policiers et policières.

Celle-ci n’était pas au courant du projet du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), jusqu’à ce que La Presse l’en informe. La Fraternité assure qu’elle est prête à déchirer sa chemise sur la place publique afin que ses membres puissent appliquer la loi «sans s’enfarger dans des considérations ethniques, de couleur ou de religion».

«La question des accommodements raisonnables revient régulièrement depuis quelque temps et je peux vous dire que nos membres, particulièrement nos 1200 policières, sont insultés», dit Yves Francoeur, président de la Fraternité.

Le directeur adjoint à la direction stratégique du SPVM, Denis Desroches, qui dirige le projet de formation, explique que son équipe désire présenter aux policiers des façons claires d’intervenir auprès des différentes communautés, dans plusieurs situations épineuses.

Une subvention a été demandée à Patrimoine Canada pour financer le projet.

«Par exemple, dans le cas d’une femme voilée, on va expliquer à nos policiers si on peut ou non la fouiller, explique M. Desroches. Nous avons déjà un comité directeur et une politique sur le profilage racial depuis 2004. Nous en sommes rendus à passer en mode opérationnel.»

Le responsable de la sécurité publique au comité exécutif de la Ville de Montréal, Claude Dauphin, qui préside à huis clos une commission municipale du SPVM sur les accommodements raisonnables, explique de son côté que la nécessité d’élaborer des normes est apparue l’automne dernier, à la suite d’un article controversé paru dans L’heure juste, le journal interne des policiers.

Le billet mensuel en question, écrit par un agent d’un poste de quartier de Parc-Extension, invitait les policières à céder leur place à leurs collègues mâles lors d’une intervention auprès des hassidim, afin de «faciliter la discussion».

Devant le tollé, la parution de ces capsules multiculturelles a été interrompue jusqu’à nouvel ordre, souligne la rédactrice en chef du mensuel, Marie Bourque, qui n’est pas en mesure de dire quand la parution reprendra.

«La ligne pour agir n’est pas facile à tracer, mais il est temps de se pencher sur une espèce de guide et des lignes directrices», dit Claude Dauphin.

Yves Francoeur, de la Fraternité des policiers, est déçu de constater que la commission, qui a reçu son mandat du comité exécutif de la Ville, élabore des plans sans consulter le syndicat. Quand on tient une commission à huis clos, c’est généralement parce qu’on a quelque chose à cacher, fait-il remarquer.

«On demande à la commission d’être très prudente. Ce sont nos policières et nos policiers qui devront vivre avec les conséquences. Et qu’on ne vienne surtout pas dire à nos policiers qu’on n’a pas le droit de fouiller une femme voilée», ajoute M. Francoeur.

À l’échelle provinciale, un séminaire sur le profilage racial, qui réunira des représentants de tous les corps municipaux et la Sûreté du Québec, est prévu les 29 et 30 mars prochains.

Les participants recevront un document interne de travail pour discuter de la gestion et de la détection du racisme et du profilage racial. Les accommodements raisonnables ne sont pas à l’ordre du jour, mais la question pourrait être soulevée, reconnaît Johanne Pelletier, conseillère en communication au ministère de la Sécurité publique, maître d’œuvre de ce séminaire intitulé Intervention policière dans une société en changement ; comprendre et prévenir le profilage racial.