JOURNAL DE MONTRÉAL, PUBLIÉ LE: MERCREDI 23 MAI 2012
Cent jours plus tard, les étudiants n’abandonnent pas. Ils sont infatigables et déterminés.
Pour eux, il faut impérativement empêcher la hausse des droits de scolarité pour assurer à tous l’accès aux études. Si personne ne se réjouit du chaos dans lequel les actions étudiantes ont plongé le Québec, nombreux sont ceux qui, en revanche, estiment qu’un objectif aussi louable justifie les moyens employés pour l’atteindre.
Le discours des fédérations étudiantes suppose que la hausse des droits de scolarité réduira l’accès aux études. Or, rien n’est moins sûr. D’autres provinces (la Nouvelle-Écosse, par exemple) affichent un taux de fréquentation universitaire plus élevé que celui du Québec malgré des droits de scolarité nettement supérieurs.
Supposons néanmoins que des droits de scolarité plus élevés limitent l’accès aux études supérieures.
Dans ce cas, les bonifications apportées à l’aide financière aux études doivent être prises en considération. L’État a promis :
(1) que les étudiants qui bénéficient d’une bourse, soit 30 % des étudiants à temps plein, ne seront aucunement touchés, car les sommes qu’ils recevront seront majorées d’un montant équivalent à la hausse des droits de scolarité ;
(2) d’augmenter de 35 000 $ à 45 000 $ le seuil de revenu familial des parents pour lesquels aucune contribution parentale n’est exigée, ce qui permettra à 44 000 étudiants de se partager 39 millions de dollars supplémentaires en bourses ;
(3) d’octroyer une aide financière aux étudiants provenant d’une famille ayant un revenu inférieur à 100 000 $ ;
(4) d’instaurer un régime de remboursement des prêts en proportion du revenu ;
(5) de bonifier substantiellement le programme de remboursement différé.
Ainsi, Québec a mis en place une série de mesures qui, reconnaissons-le, répondent aux revendications des fédérations étudiantes soucieuses de l’accès à l’éducation. Selon le fiscaliste Luc Godbout, il s’agit d’« une réforme qui favorise beaucoup plus l’accès à la scolarité que le statu quo ».
Si les pauvres et la classe moyenne sont avantagés par les changements, une question s’impose : pour qui les étudiants se battent-ils ? Pour qui ont-ils perdu un trimestre ? Pour qui ont-ils manifesté plus de 250 fois, bloqué la circulation, monopolisé les forces de l’ordre et provoqué la démission de la ministre de l’Éducation ? Pour qui ont-ils défilé nus ? Pour qui certains ont-ils enfreint des lois en commettant des actes de violence ? Pour qui plus de 2 000 manifestants ont-ils hypothéqué leur avenir en posant des gestes qui leur ont valu une arrestation et peut-être même un casier judiciaire ?
Les plus riches
Les seuls qui ont tout à gagner du statu quo, ce sont les ménages dont le revenu dépasse 65 000 $ par année, car rien n’est prévu pour eux avec le nouveau régime, sinon une hausse des droits de scolarité de 82 % en septembre. Quant à ceux dont le revenu est supérieur à 72 000 $ par an, ils verront en plus leur crédit d’impôt pour frais de scolarité diminuer de 20 % à 16,5 %
Les étudiants ne s’en rendent pas compte, mais tous les efforts qu’ils fournissent, tout le temps qu’ils investissent et tous les risques qu’ils prennent lors des manifestations visent en réalité à défendre le portefeuille des plus riches. Des milliers de personnes qui se mobilisent pour permettre aux mieux nantis d’envoyer leurs enfants à l’université pour trois fois rien... C’est beau la solidarité !