Doha n’a finalement rien régler fondamentalement

Après les accords du Caire et de Taëf, place à celui de Doha

Liban : une nouvelle anesthésie en attendant un prochain round ?

MediArabe
mercredi 21 mai 2008
Khaled Asmar - Beyrouth

Après cinq jours d’âpres négociations, les dirigeants libanais ont conclu, durant la nuit, un accord qui permettra au pays de retrouver une vie presque normale. Cet accord sera annoncé dans les heures qui viennent à Doha, et le Parlement pourra élire un président dans les 24 à 48 heures.

Les belligérants libanais peuvent se réjouir, chacun à sa façon. La Majorité a obtenu le découpage électoral de Beyrouth, où les quartiers à majorité sunnite auront leur 10 députés, ceux à majorité chrétienne auront 5 élus, et les quartiers mixtes seront représentés par 4 députés à la future assemblée, celle qui devrait être élue en 2009. Aussi, la majorité actuelle estime avoir gain de cause avec la levée du sit-in qui bloque le centre ville de Beyrouth depuis début décembre 2006.

De son côté, l’opposition peut se réjouir puisqu’elle a obtenu le tiers de blocage au gouvernement, et aura le loisir d’utiliser son veto au sein de l’Exécutif à chaque fois que le conseil des ministres doit prendre une décision capitale. L’accord stipule en effet l’attribution de 16 ministères à la majorité, 11 à l’opposition et 3 qui seront désignés par le président de la République. En outre, le forcing exercé par l’opposition lui a permis d’évacuer la question de l’armement du Hezbollah, un dossier épineux qui sera examiné au Liban sous l’égide du futur président de la République, lequel doit être élu jeudi ou vendredi, selon le président du Parlement Nabih Berri.

Cet accord permet au Libanais de respirer, momentanément. Car la question cruciale des armes du Hezbollah constituera, à ne pas douter, un élément de déstabilisation. Rien n’indique que le parti chiite puisse céder sur cette question. Bien au contraire, les événements du 7-11 mai ont prouvé qu’il est capable d’utiliser ses armes contre ses partenaires libanais pour protéger son statut d’Etat dans l’Etat.

De ce qui précède on pourra conclure sans se tromper que le futur Président sera celui de la gestion de la crise, et non pas celui de la solution. D’autant plus que le candidat de consensus, le général Michel Sleiman, était et restera un allié du Hezbollah et un proche de la Syrie. Doha n’a finalement rien régler fondamentalement. Comme les accords du Caire avaient donné, en 1969, le droit à l’OLP de constituer son « Fatahland » au Liban, et comme l’accord de Taëf avait autorisé, en 1990, la « Résistance » de garder son armada pour combattre Israël et libérer le pays, l’accord de Doha confirme, au moins pour l’instant, le statut d’Etat dans l’Etat du Hezbollah.

Cette question se répercutera sans doute sur la future campagne électorale, en vue des législatives de 2009. Car, en dépit d’un découpage favorable à la majorité, on peut légitimement s’interroger comment celle-ci pourra mener sa campagne face à un mouvement armé jusqu’aux dents et qui bénéficie des aides financières colossales de l’Iran qui lui consacre un budget de plus d’un milliard de dollars par an ? Tôt ou tard, la question de l’armement du Hezbollah reviendra dans le débat et constituera un prétexte d’une nouvelle crise. A présent, les regards se tournent vers Hassan Nasrallah, qui doit prononcer un discours dimanche prochain, à l’occasion du 8ème anniversaire de la libération du Sud Liban (retrait israélien du 25 mai 2000).

Le général Michel Sleiman sera élu ces prochains jours à la tête d’un Liban profondément divisé. Il aura à gérer toutes les complications nationales et régionales. Réussira-t-il à pacifier son pays et à le mettre à l’abris du conflit qui profile à l’horizon entre l’axe syro-iranien chiite d’une part et la communauté internationale et le monde sunnite d’autre part ? La question mérite d’être posée.

Khaled Asmar

Retour