Des chercheurs québécois s’inquiètent de l’impact sur la santé du plan de plusieurs villes, dont Montréal et Québec, de remplacer les actuels lampadaires au sodium par de puissants luminaires de rue munis de DEL.
Ces diodes électroluminescentes, mieux connues sous le nom de DEL, risquent d’exposer les citoyens à de graves problèmes de sommeil, préviennent Martin Aubé et Johanne Roby, respectivement professeurs de physique et de chimie.
Et qui dit troubles de sommeil, dit troubles de santé, insistent ces chercheurs, qui souhaitent sonner l’alerte dans l’opinion publique.
«C’est très inquiétant, toute cette lumière intrusive. On parle de la dégradation de la santé humaine et des écosystèmes», insiste M. Aubé, enseignant du Cégep de Sherbrooke.
«L’industrie des DEL, on dirait l’industrie du tabac il y a quelques années. C’est la cigarette des temps modernes», dit-il pour illustrer qu’on ne pourrait découvrir que trop tard ses effets néfastes.
Selon les experts interrogés, le problème est qu’on envisage d’installer des lampadaires à DEL blanches de 4000 K, qui produisent une lumière bleue pratiquement aussi stimulante que la lumière naturelle en plein jour.
Au contact de cette lumière dite bleue, la mélatonine, l’hormone du sommeil, est supprimée, ce qui envoie donc au cerveau le mauvais message qu'il est temps de s’activer, de se réveiller.
À Montréal seulement, on parle de
110 000 lampadaires à remplacer dès 2016, notamment afin de réaliser des économies importantes en énergie.
«Ils ont installé un lampadaire DEL drette devant ma chambre à coucher! On dirait un phare de bateau», se désole Bernard Tessier, de L’Île-des-Sœurs, qui craint pour la qualité de son sommeil.
« On ne se repose plus »
S’il est prouvé qu’une simple pleine lune peut perturber le cycle du sommeil, comment croire que ces milliers de nouveaux lampadaires munis de puissantes DEL de 4000 K seront inoffensifs pour la santé humaine? se demande d’ailleurs M. Aubé.
Les décideurs sont mal informés, déplore-t-il: «Ça n’a pas d’allure de laisser faire ces gens-là. Les chercheurs ne doivent pas rester dans leurs laboratoires.»
Une fois l’horloge biologique perturbée par cette lumière artificielle, des problèmes de sommeil, de stress et d’anxiété peuvent faire leur apparition.
«Notre système ne se repose plus. La pollution lumineuse transforme la population en travailleurs de nuit. Et il a été démontré que ces travailleurs ont 30 % plus de risques de développer un cancer», souligne Johanne Roby, aussi professeur à Sherbrooke.
Des cobayes
Membre du comité organisateur du congrès international sur la lumière Artificial Light at Night, Mme Roby affirme que l’industrie des DEL transforme les citoyens en simples «cobayes».
«Les compagnies veulent faire de l’argent rapidement et on retrouve les DEL partout», peste-t-elle.
«Je suis convaincue que ça va devenir un problème de santé publique. Cette lumière bouleverse notre cycle jour/nuit comme jamais depuis l’invention de l’éclairage il y a 136 ans», dit Mme Roby.