Publié le 21 juin 2012
La Presse Canadienne |
Cette saga judiciaire a pourtant commencé de façon très anodine, en 2004. Un accroc mineur dans la vie d'un écolier qui s'était fait demander de recommencer une partie d'un devoir qui avait manifestement été écrite par sa mère.
Mais l'affaire a dérapé.
Les parents ont accusé l'enseignante Mary Kanavaros d'avoir intimidé et humilié leur enfant et l'ont poursuivie en dommages pour un montant de 155 000 $.
Le matin du procès, les parents, Katryn Rosenstein et Hagop Artinian ont accepté de retirer leur action et de signer une entente de confidentialité sur les modalités du règlement. Celui-ci prévoyait le versement d'une somme de 5000 $ par l'assureur de l'enseignante, «uniquement pour acheter la paix» et sans admission de responsabilité pour les faits reprochés.
Mais à leur sortie du tribunal, les parents se sont fait interpeller par les médias et ont fait une série de déclarations incendiaires, malgré l'entente de confidentialité qui venait d'être signée.
Les parents ont entre autres affirmé qu'ils avaient «prouvé leur point», que l'enseignante était maintenant «une femme marquée», et qu'elle «devra y penser à deux fois avant de faire d'autres gestes non professionnels». Ils ont ajouté que toute l'affaire avait été une bataille entre David et Goliath, et que David était un petit garçon de neuf ans.
Les propos ont été relayés dans de nombreux médias.
L'enseignante de l'école Roslyn de Westmount a répliqué, poursuivant à son tour les parents pour diffamation. Elle a souffert de dépression et a réclamé des dommages.
La juge Danielle Richer de la Cour supérieure lui a donné entièrement raison. Selon elle, les propos des parents étaient malicieux, faits intentionnellement et de mauvaise foi. Ils auraient voulu régler leurs comptes en public, a-t-elle jugé, causant un tort énorme à l'enseignante.
«On ne peut être à ce point inconscient : proposer un désistement, accepter les conditions de la partie adverse (absence de responsabilité des défendeurs et confidentialité des termes de l'entente) et trahir cet engagement dans les minutes qui suivent, en présence des médias (télévision et journaux anglophones couvrant le grand Montréal métropolitain)», a écrit la juge de première instance en 2010, une conclusion retenue par la Cour d'appel.
La juge Richer a ainsi condamné les parents à payer 234 011 $ en dommages, incluant des dommages punitifs, pour avoir tenté de détruire la réputation de l'enseignante.
«Le tribunal est d'avis que la dépression de la demanderesse est une réaction directement reliée à l'attaque malicieuse à sa réputation répandue sur les médias à la grandeur du pays et plus particulièrement dans la région montréalaise où la demanderesse exerce sa profession d'enseignante», a aussi relevé la juge.
La Cour d'appel avait refusé de modifier le premier jugement en 2012, l'estimant bien-fondé.
Cela n'a pas arrêté les parents qui ont voulu en appeler devant la Cour suprême. Mais ils devront maintenant s'arrêter : avec le refus de la Cour d'entendre leur cause, ils ont épuisé leurs recours et devront dédommager Mme Kanavaros.