Pas de musique à l'école


JEAN-MARC GILBERT
Journal de Montréal 19/12/2011

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Il n'y a pas d'âge pour les accommodements raisonnables. La direction d'une école du quartier Saint- Michel accorde un passe-droit particulier à une jeune musulmane de maternelle: on lui permet de placer des écouteurs anti-bruit sur ses oreilles parce que sa religion lui interdit d'écouter de la musique.

Cette demande faite par les parents de la jeune élève, dès le début de l'année scolaire, ne manque pas de soulever des questionnements du côté du personnel de l'établissement multiethnique de la métropole.

Certains membres du personnel craignent qu'elle puisse devenir la risée de ses compagnons de classe, voire même une victime de la méchanceté des enfants.

Une employée, qui souhaite conserver l'anonymat, explique que ces «demandes particulières» sont de plus en plus fréquentes.

«Nous avons souvent des problèmes avec certaines communautés religieuses. Par les années passées, nous avions beaucoup de demandes similaires, particulièrement dans le temps de Noël ou de Pâques», affirme-t-elle.

Mesure temporaire

Appelée à commenter, la directrice de l'école, Catheline Bien-Aimé, soutient que cet accommodement est en vigueur seulement pour la maternelle.

«Nous avons informé les parents que nous pouvons accepter cet accommodement uniquement pour cette année. Dès l'an prochain, elle devra suivre tous les cours, comme les autres élèves», assure-t-elle.

Elle ajoute que cette situation ne nuit aucunement à ses relations avec les autres élèves.

«Au contraire. Elle a de bons résultats partout et cette mesure a été mise en place pour favoriser son intégration».

Elle doit porter son casque anti-bruit toutes les fois que de la musique joue dans la classe où que les élèves doivent chanter. La musique et le chant sont souvent utilisés en maternelle, dans un but pédagogique.

Pas un cas isolé

Du côté de l'Alliance des professeurs de Montréal (APM), on souligne que ce genre de demandes sont de plus en plus fréquentes et qu'elles ne viennent pas nécessairement des gens de confession musulmane.

C'est pourquoi l'APM souhaite que l'école devienne un lieu commun pour tous et où la pratique religieuse n'a pas sa place.

C'est notamment pour cette raison que la Fédération autonome de l'enseignement, de laquelle l'APM fait partie, a entrepris des consultations auprès de ses membres, partout en province, au sujet de la laïcité dans les écoles.

«Certains professeurs accordent beaucoup d'accommodements pour faciliter une entrée progressive», remarque Élaine Bertrand, vice-président de l'APM et responsable du secteur préscolaire.

Éternel débat

Même s'il faut «respecter l'autonomie des enseignants», il est certain que ce genre de situation «relance le débat sur la laïcité du milieu scolaire et sur les accommodements raisonnables», croit Mme Bertrand.

«C'est quelque chose qui préoccupe nos membres puisque ce n'est pas tous les enseignants qui sont au même niveau. Certains sont rendus plus loin que d'autres dans leurs réflexions sur la chose».

«Mais c'est sûr que certains accommodements sont moins raisonnables que d'autres», laisse-t-elle tomber, en refusant de s'avancer davantage.

* * *

LA RELIGION MUSULMANE ET LA MUSIQUE

Les musulmans ont-ils droit d'écouter de la musique? Selon l'auteure Djemila Benhabib, la réponse à cette question peut être bien différente, si on la pose à un musulman conservateur ou à un autre plus libéral.

Conservateur: «Chez les conservateurs, la musique est considérée comme une dépravation. Tout bon musulman doit être hermétique face à la culture occidentale. Et tout ce qui est relié au plaisir éloigne de Dieu (Allah).»

Libéral: «Pour ceux qui sont plus libéraux, il n'y a pas de problème. Une place considérable est accordée à la musique dans la culture de plusieurs pays majoritairement musulmans.»

Women singing : too sexual for men to hear

Richard Martineau

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