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Enquête du Journal de Montréal

Dix cols bleus ont mis neuf heures chacun pour colmater... neuf trous!

André Beauvais
Le Journal de Montréal
08/02/2006 05h38 

Il a fallu 90 heures de travail à dix cols bleus de Ville-Marie pour réparer neuf nids-de-poule, selon une enquête interne de la Ville de Montréal dont le Journal a obtenu copie.

L'enquête menée auprès de trois équipes de cols bleus (10 employés au total) de la Ville de Montréal a démontré que des employés n'ont vraiment réussi à réparer que neuf nids-de-poule sur trois quarts de travail de neuf heures chacun.

Le plus ahurissant pour les enquêteurs a été de constater qu'une équipe de nuit a consacré six minutes, sur neuf heures de «travail», à colmater trois nids-de-poule, alors que leur priorité était de réparer des nids-de-poule toute la nuit.

Comme chacun des 10 employés sous surveillance a été payé environ 22 $ l'heure pendant neuf heures et qu'ils ont reçu un salaire de près de 2000 $, chacune des neuf réparations a donc coûté 220 $ aux contribuables !

Ces enquêtes ont été réalisées grâce à la filature de deux équipes de jour, composées respectivement de quatre et trois employés, et à celle d'une équipe de nuit, formée de trois employés.

Suivies pas à pas

Ces équipes ont été suivies pas à pas les 23 et 24 janvier ainsi que dans la nuit du 24 au 25 janvier, dans l'arrondissement Ville-Marie. Dans les trois cas, les employés avaient été assignés en priorité, ces jours-là, à la réparation de nids-de-poule.

Après 9 heures de travail chacun, les dix employés sous enquête avaient procédé à seulement neuf réparations.

C'est une équipe de la section de vérification interne de la Ville de Montréal qui a pisté les trois équipes.

Le Journal de Montréal a obtenu en exclusivité des copies de ces rapports qui feront l'objet de discussions aujourd'hui au comité exécutif.

Cinq heures dans les restos

On note que ces cols bleus ont passé au total près de cinq heures dans trois restaurants. Le contrat de travail leur accorde à chacun une période de 45 minutes de repos, non payée, par quart de travail.

On remarque en outre, à la lecture des observations des enquêteurs, que les trois équipes de cols bleus visées ont consacré environ dix heures à circuler dans les rues sans faire de réparations ou à faire des arrêts non expliqués à la cour de voirie du 987, de la Commune, sous l'autoroute Bonaventure.

Le temps durant lequel les employés ont réellement travaillé, selon les conclusions des trois enquêtes, a été d'environ sept heures, pour les trois quarts de travail totalisant 27 heures.

La «police secrète» de Montréal

L'enquête sur les cols bleus, dont nous publions les grandes lignes aujourd'hui, a été menée par le Service de vérification interne de la Ville de Montréal, une sorte de «police secrète».

Ce service relève de la direction générale de la Ville et le responsable des enquêtes, Denis Savard, tient ses mandats du directeur général Robert Abdallah.

Celui-ci a mis ce service sur pied il y a un an et demi dans le but de sécuriser les activités de la Ville et d'enquêter sur les cas d'abus chez les employés.

Infiltration

Les enquêteurs peuvent facilement s'infiltrer dans tous les services et les arrondissements.

Il existe aussi le Bureau du vérificateur général qui, lui, relève directement du conseil municipal.

Le vérificateur général enquête surtout sur les politiques de gestion et sur les lacunes qu'il identifie dans les services municipaux.

L'horaire de travail des cols bleus est de 9 heures par jour, durant quatre jours, pour un total hebdomadaire de 36 heures.

La période de repos de 45 minutes par jour est à leurs frais, ce qui explique qu'ils doivent être à l'horaire quotidiennement pendant neuf heures et 45 minutes.

abeauvais@journalmtl.com