Une semaine s’est écoulée depuis la mort tragique d'un jeune de l'île, terriblement inutile comme le sont toutes celles issues d’une action meurtrière, préméditée ou pas. Une semaine qui a fortement secoué les résidents de l’île. Au-delà de leur condition sociale, de leur provenance géographique ou ethnique, de leur croyance religieuse, de la couleur de leur peau et de leur âge, ils ont été unanimes à exprimer l’horreur que leur inspirait le geste insensé de deux adolescents à l’endroit d’un autre et à entourer la famille de la victime de leur affection et de leur compassion dans des gestes d’émotion et de rassemblement collectif rarement atteints jusqu’à maintenant.
Il est bien qu’il en soit ainsi. L’horreur, l’inexplicable, l’incompréhensible, l’inacceptable doivent trouver un exécutoire dans l’émotion. Comme la fraternité humaine et le sens de la communauté doivent rassurer, consoler, donner espoir. Tout cela a joué chez nous la semaine dernière alors que notre Île s’est recroquevillée sur elle-même pour exprimer sa peine et soutenir l’une de ses familles foudroyée.
Dans la foulée, grande fut la tentation de réclamer une présence policière accrue ou encore un poste de quartier pour l’Île. Grande fut aussi celle de citer des statistiques qui n’existaient plus ou de donner des exemples qui n’avaient rien ou peu à voir avec l’événement que l’on vivait. On lança même un sondage dans cette période troublée… Qu’importe, l’émotion devait s’exprimer et elle s’exprima. Mais celle-ci est rarement bonne conseillère.
Deux Insulaires que l’on ne saurait qualifier d’extrémistes, messieurs Kevin Hirsch et Gaspard Fauteux l’ont rappelé, parmi d’autres, au cours des dernières heures. J’ai, dans les deux cas, appuyé leurs propos, sans autres commentaires, faute de temps. Je me permets, ce soir, de compléter ma pensée.
Tant à titre de Maire de Verdun que de Responsable de la Sécurité publique au Comité exécutif de la Ville de Montréal, on se doute bien que je me suis penché avec intérêt sur la question d’un poste satellite sur l’Île, tout en sachant qu’une expérience similaire avait déjà été tentée (le comptoir de service au Centre Elgar) et qu’un tel poste avait été récemment fermé sur la terre ferme. J’eus tôt fait de me convaincre que l’Île n’avait pas besoin d’un tel poste. À mon avis, non seulement la situation n’a pas changé, mais le taux de criminalité est en baisse chez nous comme partout ailleurs sur le territoire montréalais. Rien ne justifie donc l’installation aujourd’hui d’un poste de quartier, d’un poste satellite, ni même d’un comptoir de service chez nous. La réponse à nos angoisses se trouve ailleurs. Dans un nombre accru de patrouilles ? Peut-être. Dans une meilleure visibilité de nos policiers ? Pourquoi pas. Dans le travail préventif accentué ? Sans doute. Tout cela demande à être revu, réévalué, discuté, peut-être négocié. Le maire Jean-François Parenteau, exemplaire dans les circonstances, est notre homme. Ne siège-t-il pas au comité exécutif ? La société étant ce qu’elle est, imparfaite mais perfectible, les problèmes de délinquance existeront toujours, comme ne cesseront jamais tout à fait les vols de véhicules, la violence familiale ou entre jeunes.
La réponse se trouve aussi dans les services que nous offrons à nos jeunes et les structures que nous mettons en place pour les accueillir. Le Centre Elgar, nos piscines extérieures et La Station (transformation dont je m’enorgueillis sans fausse modestie) ne suffisent plus. Le Centre aquatique à deux volets dont j’avais rêvé (en transformant la piscine extérieure du Centre Elgar en piscine intérieure) n’aura finalement qu’un pavillon sur la terre ferme. On parle de plus en plus, et c’est heureux, de l’éventuelle construction d’une troisième école primaire à laquelle serait greffé le premier cycle du Secondaire. Voilà, me semble-t-il, l’occasion rêvée d’y construire un centre sportif digne de ce nom, comportant gymnase, piscine intérieure accessible à tous les résidents, salles communautaires et, pourquoi pas, petite salle de spectacles. Un tel Centre n’est évidemment pas pour demain et l’idée n’est pas nouvelle. Sa nécessité s’impose aujourd’hui avec plus d’acuité que jamais et devrait figurer bien haut sur la liste des priorités de nos élus, quels qu’ils soient.
Depuis une semaine, tous en appellent aux autorités publiques, fussent-elles député(e)s, maire, policier, responsables scolaires ou administrateurs du réseau de la santé, les priant avec instance et émotion de régler les problèmes de nos jeunes. Comme si la troisième réponse ne se trouvait pas d’abord au sein des familles elles-mêmes dans leur responsabilité d’élever leurs enfants dans le respect des autres. Certes, la société a le devoir de bien encadrer les jeunes. Peut-être a-t-elle failli à ce devoir la semaine dernière à l’Île. Reste que l’encadrement doit commencer à la maison. Si cette responsabilité peut être partagée, elle ne peut en aucun cas être déléguée.
Claude Trudel