Billet dans Échos Montréal :
Parc Émilie-Gamelin : Une réappropriation... par les clochards !
Vincent Di Candido
Après une certaine période encourageante, il semblerait que le parc Émilie-Gamelin, espace public crucial délimité par les rues Berri, Saint-Hubert, Sainte-Catherine et le boulevard de Maisonneuve, soit redevenu le lieu de rendez-vous des clochards du centre-ville, et ce, avec la bénédiction officieuse de la ville-centre.
En effet, sous le couvert d'un anonymat compréhensible, plusieurs policiers rencontrés sur place nous ont avoué être impuissants face à la situation. Leurs patrons de la ville-centre ont reçu des directives, selon leurs dires, de garder un esprit sociocommunautaire de dialogue et d'indulgence.
De toute évidence, cette vision pacifiste utopique d'une tolérance poussée à l'extrême est apparemment répandue chez nos politiciens. Pensons aux émeutes de Montréal-Nord, à la suite desquelles le maire Tremblay ne trouve rien de mieux à faire que la création de six « chantiers », en appelant à la collaboration du secteur communautaire local qui, pourtant, n'a pas pu prévenir l'explosion de violence dans un quartier où ils sont en place depuis plus d'une décennie.
On préfère ne pas provoquer les dissidents et on tolère donc des écarts de conduite qui ne seraient pourtant tolérés chez aucun citoyen ordinaire. Ce faisant, l'on brime les droits de ces mêmes citoyens, particulièrement dans le cas du parc Émilie-Gamelin, puisque ceux-ci n'osent plus s'aventurer sur ce terrain miné par l'alcool, la drogue, les bagarres assez fréquentes et les nombreux cas de grossière indécence - le parc paraissant avoir acquis des fonctions de dortoir chez certains ou d'urinoir chez d'autres.
Or, rien ne se passe, on laisse aller cette déchéance comportementale. Comme nous l'indiquions dans l'éditorial de septembre dernier, nos responsables semblent vivre dans un climat soporifique, anesthésiés par cet esprit bien-pensant.
C'est pourtant facile, il suffit de se rendre sur place pour constater la présence de boissons alcoolisées coulant à flot, des clochards langoureusement couchés sur le gazon, certains fumant un joint, tandis que d'autres font fuir le peu de gens présents en les quêtant indûment ou, pis encore, en effectuant au vu et au su de tous leurs besoins sur les arbres.
Il s'agit d'un laisser-aller inacceptable, mais que les décideurs de la Ville acceptent visiblement sans trop de mal. En fait, pendant ce temps, ils nous demandent plutôt de continuer à dialoguer, de trouver des voies d'entente ou de tolérer le statu quo en espérant l'avènement de jours meilleurs.
Avons-nous donc affaire à une bande de sourds-muets administratifs, incapables de gérer ce problème majeur qui ne manque pas de ternir l'image de notre ville ? Après l'enfant-roi, le- clochard-roi ?