Les canards de L’Île-des-Sœurs menacés par leurs amis humains
par Pierre Vigneault
Article mis en ligne le 13 septembre 2007
Les canards sont menacés par la trop grande affection que leur portent certains résidants de L'Île-des-Sœurs.
La plus grande menace qui guette les canards qui fréquentent le lac des Battures et le lac Lacoursière n’est pas le développement résidentiel. Leur survie est plutôt menacée par des gens qui les aiment beaucoup et, peut-être… un peu trop!
Il suffit de se rendre sur la rive d’une de ces deux nappes d’eaux pour voir arriver un grand nombre de ces volatiles. Les êtres humains sont devenus leurs «amis» et ils s’empressent de venir les voir. Mais, ces amis sont ceux-là même qui, inconsciemment, anéantissent leurs chances de pouvoir prolonger leur existence. En les habituant à «quêter» leur nourriture, souvent dès leur plus jeune âge, certains résidants de l’île contribuent à en faire des animaux très vulnérables et mal outillés pour se protéger contre les diverses menaces qui les guettent.
Héritage Laurentien donne un conseil très clair, à cet égard : «Vous aimez les canards? Alors cessez de les nourrir!» Est-ce assez clair ?
Annie Tellier, porte-parole de cet organisme, commente d’ailleurs la situation, dans le contexte de L’Île-des-Soeurs. Elle rappelle qu’en milieu naturel les canards se nourrissent de plantes aquatiques et de micro-organismes tels que des insectes et des escargots. Ils fuient leurs prédateurs ce qui leur confère un certain moyen de protection. Ils sont plus ou moins solitaires et n’envahissent donc pas les parcs et les plans d’eaux contrairement aux goélands toujours en quête de déchets. L’automne venu, ils se rassemblent et partent en migration pour survivre à l’hiver.
Nourrir les canards provoque un changement de leurs mœurs comme l’incapacité à trouver seuls leur nourriture et la pauvreté nutritionnelle de leur repas. Cela crée une dépendance aux humains, une vulnérabilité aux prédateurs, tant chasseurs qu’animaux domestiques, et un chamboulement de leur cycle migratoire : un canard nourri ne migrera pas et mourra de faim pendant l’hiver. La nourriture donnée aux canards, tant le pain que le maïs, ne sont pas des aliments équilibrés. C’est comme si on nourrissait un enfant uniquement avec du chocolat et des bonbons. Pour L’Île-des-Soeurs, l’alimentation favorise un déséquilibre biologique, les canards sauvages étant déplacés par les canards colverts, une espèce agressive des prairies de l’ouest. On note aussi une augmentation des coliformes fécaux et une multiplication des algues bleues aux sites où les canards sont les plus souvent nourris.
Approvisionner les canards peut aussi mener à un envahissement du territoire par des espèces indésirables. C’est par exemple le cas pour la bernache du Canada qui, développée par les agriculteurs, envahit les parcs urbains de l’Amérique par millions et est en forte expansion autour de Montréal. L’arrivée de quelques douzaines de ces bernaches au parc West Vancouver rendrait le parc entier inutilisable pour les pique-niques, étant donné qu’il serait couvert d’excréments.
La présence de canards ou de bernaches peut aussi augmenter les risques de transfert de maladies entre les oiseaux et les humains. Le rassemblement anormal de canards nourris au même endroit augmente la quantité d’excréments dans l’eau et sur les berges. Alors qu’il n’est pas bon pour la santé des canards de manger dans leurs propres excréments, on voit aussi des petits enfants qui jouent aux mêmes endroits où les canards nourris se rassemblent.
Il est peut-être peu probable qu’un humain attrape la grippe aviaire. Cependant, certaines autres maladies, dont la salmonellose, peuvent être transférées facilement à l’humain avec des conséquences très néfastes.
Laisser les canards se nourrir par eux-mêmes n’est pas nocif pour les canards. C’est leur offrir la liberté, la santé et la diversité.