Publié le 21 juillet 2012
André Pratte |
Dès le dépôt du projet de loi 78, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse s'est inquiétée, à juste titre, des restrictions qui pourraient être imposées aux libertés fondamentales des Québécois.
Nous espérions que, dans ses commentaires détaillés publiés jeudi, la Commission fournisse une analyse nuancée et réaliste du texte adopté par l'Assemblée nationale. Malheureusement, l'organisme a fourni un argumentaire juridique désincarné qui n'est d'aucune utilité pratique.
Nous l'avons déploré ici, la rédaction du projet de loi a été bâclée et certains articles, à la portée trop vaste, pourraient ouvrir la voie à des abus. La Commission des droits de la personne aurait pu proposer des balises permettant de resserrer le texte. Elle a choisi de rejeter catégoriquement l'essentiel de la loi, tranchant que ses dispositions «enfreignent directement ou indirectement les libertés et les droits garantis par la Charte».
Le document s'en prend notamment aux articles qui obligent les organisateurs d'une manifestation de 50 personnes ou plus à fournir aux policiers des informations telles la date, le lieu et le trajet de l'événement. Selon la Commission, cette exigence «met sérieusement en danger les libertés d'opinion, d'expression, de réunion pacifique et d'association (...)». Vraiment? Pourquoi une telle règle violerait-elle les droits fondamentaux au Québec alors que des exigences semblables ont été jugées parfaitement raisonnables par la Cour européenne des droits de l'homme et par le Comité des droits de l'homme de l'ONU, entre autres instances? Les explications des auteurs du document à ce sujet sont peut-être théoriquement valables, mais ne tiennent pas la route dans le concret.
La Commission des droits de la personne dénonce aussi les dispositions interdisant à des manifestants d'empêcher qu'on entre dans un établissement d'enseignement. «Les étudiants et enseignants d'un établissement devraient avoir le droit de s'y exprimer librement», dit-elle. Bien sûr. Mais ce n'est pas de cela que la loi parle; elle rend illégal le fait d'«entraver l'accès» à un lieu d'enseignement. Existe-t-il, au Québec, un droit fondamental de bloquer les portes d'un collège?
La Commission cite la jurisprudence de la Cour suprême relative au piquetage dans le cadre de conflits de travail. Ce raisonnement est fautif. Contrairement aux travailleurs, les étudiants n'ont pas de droit de grève reconnu et encadré par la loi. Cela étant, conférer aux associations étudiantes les mêmes droits qu'aux syndicats est insensé.
Enfin, la Commission évoque la «Loi du cadenas» de Duplessis. Dans le contexte d'enflure verbale que nous connaissons, cette mention est tout simplement irresponsable; il n'y a aucune commune mesure entre les deux législations.
La Commission a raté une occasion de jouer un rôle utile en cette période difficile. Son analyse abstraite et radicale contribuera plutôt à conforter chaque camp dans son entêtement.
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