Réactions de la NRA - Le lobby insensible

22 décembre 2012 | Serge Truffaut | Le Devoir

Le moins que l’on puisse dire est que la National Rifle Association (NRA) a de la suite dans les idées. Elle estime en effet que le meilleur contre-feu aux tueries dans les écoles serait de doter des surveillants de fusils. On savait la NRA totalement insensible, on la sait désormais très culottée.


Lors de sa première sortie publique depuis le massacre perpétré à Newtown, Wayne Lapierre, le patron de la NRA, a résumé le drame en puisant dans les travers de la pensée la plus binaire qui soit. « Le seul moyen d’arrêter un monstre en train de tuer nos enfants est d’être personnellement impliqué dans un plan de protection absolue », soit « arrêter le méchant armé en lui opposant le bon gars armé ». Qu’on y songe, il est allé jusqu’à affirmer que s’il y avait eu un homme équipé d’un fusil dans l’école Sandy Hook, les 26 morts auraient été évitées. Pas 15 ou 21, mais bien les 26. Comme quoi, à l’illustration du prêt-à-penser, Lapierre a joint la mise en relief de l’absolutisme. Du lobbyiste sûr de son fait.


Non seulement la NRA propose que chacune des 125 000 écoles primaires et secondaires que compte le pays engage des « miliciens », elle s’est également dite disposée à fournir un programme d’autodéfense confectionné par des experts en sécurité. Qu’on y pense : après un massacre qui a bouleversé le monde, la NRA suggère que les établissements scolaires achètent, acquièrent et financent 125 000 armes au minimum. Qu’elles dépensent des millions dans l’adoption de plans d’autodéfense et dans l’engagement de personnel. Autrement dit, en plus d’avoir illustré le prêt-à-penser et son inclination pour l’absolutisme, le cerbère de la NRA a dévoilé un penchant outrancier pour le corporatisme. On tue une vingtaine de gamins et que fait « môssieur » NRA ? Il se pose en gérant du fonds de commerce de la NRA, en marchand de balles, alors que les cadavres sont encore chauds.


Le maire de New York, Michael Bloomberg, décidément très en pointe dans le combat contre les armes, a qualifié la prestation de Lapierre « d’évasion honteuse ». Quant au sénateur démocrate du New Jersey, Frank Lautenberg, il a résumé le sentiment de bien des élus en estimant que la position de la NRA dépassait l’entendement. On mentionne cela pour mieux souligner que le courant favorable à l’interdiction des armes d’assaut, à la restriction de la vente de certaines armes et à l’érection de balises sur les ventes de munitions, est plus volontaire, plus ferme, qu’on ne le croit à la Maison-Blanche. Cette semaine, peu après la divulgation des intentions de Barack Obama en la matière, des « officiels » de la Maison-Blanche entamaient la rengaine qu’ils ont chantonnée fréquemment lorsqu’ils jonglent avec des dossiers aussi importants que délicats. À savoir que l’architecture juridique limitant le commerce des armes sera plus compliquée à concevoir et appliquer qu’on ne le pense. Que ce sera plus tortueux… Non !


Non, trois fois non. Vieux d’une semaine à peine, le drame s’avère une mise en abîme de ce commerce et du cortège de violences qui lui est inhérent. De fait, le chef de l’exécutif est condamné à une obligation de résultat. Qui plus est, à court terme. Car il y a 310 millions d’armes en circulation dans tout le pays, qu’en Floride une loi autorise, depuis 2005, une personne à user de son fusil ou pistolet si elle se sent… menacée de mort ou de blessure grave. Bref, ici et là, on se fait l’avocat du libre arbitre avec un barillet bien rempli.