Un peu de sérieux, de grâce !

CA_BenoitAubin
BENOÎT AUBIN

JOURNAL DE MONTRÉAL, PUBLIÉ LE JEUDI 14 JUIN 2012

C’est loin d’être certain que Jean Charest déclenchera des élections pour la mi-septembre. La seule certitude qu’on a c’est que, peu importe la date, cette campagne risque d’être très laide – et de voler très bas…

Les Québécois sont déjà tellement divisés, polarisés, remontés (en fait, crinqués), fatigués, inquiets, impatients - et de moins en moins polis, tolérants, ou sereins - que déjà les insultes revolent, les chicanes prennent, les bouliers se lèvent au moindre prétexte.

Le débat public québécois - tel qu’il s’articule sur twitter et facebook - décolle très souvent de la réalité, pour déraper dans la paranoïa, l’hyperbole, ou l’exagération farfelue.

C’est ainsi que, pour plusieurs, le service de police de la ville de Montréal est devenu la Gestapo politique de John-James Charest, ou qu’un obscur groupe de musique underground devient célèbre en postant « tuer Martineau » sur son site Web, ou que 2 000 artistes et producteurs tombent sur le dos de la ministre de la Culture parce qu’elle a vu un lien entre le carré rouge et la violence urbaine…

Bon. Tant que cela reste dans la jungle intellectuelle de Twitter, Youtube ou Facebook, où le sublime et le sordide, le vrai et le faux se côtoient comme au bazar, ça va.

Ce n’est pas ça qui se passe

Déjà, Pauline Marois accuse les Libéraux « d’instrumentaliser » la crise actuelle à des fins électorales. Charest, que « Pauline Marois, c’est la rue. »

On se fait dire des choses comme ça, dans l’enceinte de l’Assemblée nationale, à la télévision et personne, personne ne réclame un peu de sérieux de ces gens qui prétendent être à la hauteur d’assumer la gouverne de la nation ?

Mais qui peut croire que Charest fait sciemment durer la crise qui vise à le détruire, ou que Pauline Marois - naguère encore, la châtelaine de l’île Bizard - fricote avec les Blacks ou Mise en demeure ?

Si personne ne proteste contre de telles énormités, est-ce parce que personne n’y prête attention déjà ?

C’est bien mal barré

On voit déjà venir la suite, grosse comme un paquebot : Charest est corrompu et gouverne à coups d’enveloppes brunes. Le PQ est obsédé par un référendum dont personne ne veut. Charest donne nos ressources naturelles à des consortiums étrangers qui ne paieront pas d’impôt. Le PQ veut imposer un moratoire sur tout ce qui marche bien au Québec. Charest plie devant Ottawa. Le PQ cherche la chicane à tout prix avec Ottawa. Les Libéraux sont à la solde de la mafia. Le PQ couche avec les syndicats. ZZZ.

La vérité est tellement plus simple. Les Libéraux n’ont pas bien géré la contestation étudiante, et ce n’est pas le premier ballon qu’ils échappent. Le PQ s’est collé aux carrés rouges par un opportunisme stratégique qui n’a échappé à personne. La CAQ n’est pas encore prête à jouer le grand jeu. Aucun des trois partis n’a de quoi être fier, aucun n’a de quoi nous séduire, encore moins nous rassurer.

Ce que veulent les Québécois ?

Voici un petit billet publié en anglais sur Facebook par Laure Waridel, l’écologiste d’Équiterre (ma traduction) - un billet qui est un appel au sens commun de gens qui pensent que les choses pourraient facilement aller mieux, avec quelques correctifs.

« Nous ne sommes pas contre les riches, mais contre ceux qui utilisent leur richesse pour acheter des privilèges. Pas contre les entreprises, mais contre le fait qu’elles nous gouvernent. Pas contre le capitalisme, mais contre sa corruption. Pas contre les banques, mais contre leurs pratiques frauduleuses. Pas contre la haute finance, mais contre ses fraudes légales. Nous ne sommes pas contre la démocratie, mais contre le fait que nos élus sont à vendre… »

Moi je voterais tout de suite pour quelqu’un qui me proposerait ce type de réforme fondée sur le gros bon sens…