Combien de travailleurs ont voté pour la grève ?

LISE RAVARY - 20 JUIN 2013

Soyons clairs: je ne suis pas contre la syndicalisation ni le droit de grève. Il s’agit de leviers essentiels pour assurer un équilibre entre l’enrichissement et l’équité dans les sociétés pluralistes et démocratiques. Les régimes totalitaires, y compris ceux de gauche, ne tolèrent pas que les travailleurs perturbent l’activité économique dans le but ‘égoïste’ d’améliorer leur sort. Le bien collectif passe en premier…

J’en ai contre le corporatisme syndical.

Dans plusieurs pays d’Europe parmi les plus progressistes, le syndicalisme a évolué au delà du traditionnel clivage gauche-droite. Les syndicats sont devenus des partenaires économiques sophistiqués, loin de l’image des fiers-à-bras à la Rambo, ou des grandes gueules à la Yves Ouellet, qui caractérisent toujours le syndicalisme québécois en 2013. Nous sommes encore sous l’emprise du fantôme de Michel Chartrand. Comme si les travailleurs manuels appartenaient tous à une sous-classe de citoyens débiles, obligés de beugler et de sacrer pour se faire entendre.

Un syndicat de la construction c’est pas un cercle de dentelières, soit, mais certains clichés ont la vie dure. Disons qu’en voyant certaines images de videurs de chantiers à la télé, je peine à croire que ces gars-là se battent pour la conciliation travail-famille.

Quand j’écoute Yves Ouellet, le président de la FTQ-Construction et porte-parole de l’alliance syndicale dans le conflit actuel, je me dis que notre syndicalisme appartient à une autre époque, révolue même en Angleterre, berceau du syndicalisme de combat et patrie idéologique de Marx. Il ‘condamne’ l’intimidation sur les chantiers avec le même enthousiasme démontré par Gabriel Nadeau-Dubois quand il ‘dénoncait’ la violence l’été dernier.

Monsieur Ouellet parle un français déplorable avec lequel il propose des arguments creux, refusant de répondre à des questions aussi fondamentales que ‘combien de travailleurs se sont prévalus du droit de voter pour ou contre la grève ? Monsieur Ouellet aura beau marteler que 97 pour cent des syndiqués appuient la grève, est-ce 97 pour cent de 100 pour cent des travailleurs, de 70 pour cent ? de 50 pour cent ? de 30 pour cent ou de 10 pour cent ? Sur quelle base pouvons-nous déduire que les absents auraient voté oui de toutes façons ?

Il fallait l’entendre hier chez Dutrizac. Du grand guignol.

Refuser de donner le taux de participation empêche toute évaluation objective de la santé du syndicalisme québécois. Si le taux est bas, il importe de comprendre pourquoi et s’il est élevé, de s’en féliciter. Je porterais un regard différent sur la grève actuelle si je savais, sur 175 000 travailleurs, combien ont pris le temps de se prononcer pour ou contre la grève.

Il est grand temps que l’État légifère sur les quorums pour décréter un arrêt de travail. La démonstration en a été faite pendant la grève étudiante quand des départements au grand complet se déclaraient ‘en grève’ parce que 90 pour cent de 22 étudiants sur 1 000 avaient voté en faveur de quitter les cours. C’est inadmissible

Les syndiqués devraient porter l’odieux de leur décision de ne pas voter, pas l’ensemble de la population.

Michel Arsenault

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