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Le Point.fr - Publié le 01/10/2013

Le souverain pontife estime que l'Église catholique est trop "vaticano-centrique"
et qu'elle doit renforcer son dialogue avec les non-croyants.

Le pape François, le 18 septembre 2013.
Le pape François, le 18 septembre 2013.
 © Tiziana Fabi / AFP

L'Église catholique est trop "vaticano-centrique" et doit renforcer son dialogue avec les non-croyants, affirme le pape François, dans un entretien publié mardi par le quotidien La Repubblica, juste avant la convocation du conseil des cardinaux au Vatican. "Les chefs de l'Église ont souvent été narcissiques, aimant les flatteries. La cour est la lèpre de la papauté", a déclaré le pape argentin dans une interview au fondateur du quotidien La Repubblica Engenio Scalfari réalisée à la résidence Sainte-Marthe. "La curie [gouvernement de l'Église] n'est pas en elle-même une cour : dans la curie, il y a parfois des courtisans, mais la curie dans son ensemble est une autre chose", a-t-il précisé.

Le pontife, qui va se pencher sur les réformes de l'Église avec huit cardinaux des cinq continents convoqués jusqu'à jeudi, a jugé que l'Église était trop "vaticano-centrique". Les huit "ne sont pas des courtisans, mais des sages animés des mêmes sentiments que moi. C'est le début d'une Église conçue comme une organisation non seulement verticale, mais aussi horizontale", argumente-t-il. "Cette vision vaticano-centriste néglige le monde qui l'entoure. Je ne partage pas cette vision et ferai mon possible pour la changer." Le concile Vatican II (1962/65), remarque-t-il, "a décidé de regarder l'avenir avec un esprit moderne. Les pères conciliaires savaient qu'ouvrir à la culture moderne signifiait oecuménisme religieux et dialogue avec les non-croyants. Depuis, bien peu a été accompli dans cette direction. J'ai l'humilité et l'ambition de vouloir le faire."

Critique du "libéralisme sauvage"

À deux reprises, il cite le cardinal jésuite italien Carlo Maria Martini, chef de file des réformistes dans l'Église, mort en 2012. Interrogé sur sa pensée et ses saints préférés, il admet qu'il n'est pas très mystique et dit sa prédilection pour saint Augustin : "Ce saint a traversé beaucoup de réalités et a changé plusieurs fois de position doctrinaire." Quant à François d'Asssise, "il est très grand parce qu'il est tout à fois : un homme qui veut faire, construire, fonde un ordre et ses règles, est un missionnaire itinérant, poète, prophète, qui a constaté le mal en lui et en est sorti..."

Pour Jorge Mario Bergoglio, "les plus grands maux qui affligent le monde" sont "le chômage des jeunes et la solitude dans laquelle sont laissées les personnes âgées". Le "libéralisme sauvage" a pour résultat de "rendre les forts plus forts, les faibles plus faibles et les exclus plus exclus". Le pape a évoqué ses rapports avec le marxisme : il affirme avoir eu du "respect et de l'amitié" pour une enseignante communiste en Argentine, qui lui donnait à lire des textes du Parti communiste, notamment en défense des époux communistes Julius et Ethel Rosenberg, condamnés à mort aux États-Unis en 1953. "Cette femme a ensuite été arrêtée, torturée et tuée par le régime dictatorial" argentin, note-t-il.

Le matérialisme communiste "n'avait pas de prise sur moi", mais j'ai retrouvé certains "aspects" dans "la doctrine sociale de l'Église", ajoute Bergoglio. Le pape avait déjà dialogué le mois dernier avec Eugenio Scalfari. Avec une grande ouverture, François multiplie les déclarations. Mais certains estiment au sein de l'Église qu'il parle trop, sortant de la réserve dans laquelle se tenait Benoît XVI et que doit préserver un pape.