Se relever les manches

Un mythe qui a la vie dure
Richard Martineau

Je sais que je vais passer pour un gars de droite après cette chronique, mais je m’en fous. Ça fait longtemps que ce mot vide de sens, que l’on garoche de tous bords tous côtés, ne me fait plus peur.

C’est l’insulte suprême des gens à court d’arguments qui sont incapables de débattre.

Il se dit et s’écrit beaucoup de choses sur le dégel possible des frais de scolarité, depuis quelques jours.
Les arguments sont intéressants des deux côtés.

Mais s’il y a quelque chose que je ne suis plus capable d’entendre, c’est que le fait de hausser les frais de scolarité de cinquante dollars par session (soit deux dollars par semaine!!!!) va empêcher les gens provenant d’un milieu modeste d’accéder à des études supérieures.

C’est complètement faux. Je le sais, je l’ai vécu.

Pourquoi aller à l’université?

J’ai grandi dans un milieu plus que modeste — à Verdun, à la frontière de Pointe-Saint-Charles. Mon père travaillait de nuit dans une imprimerie (la Continental Can, comme le père de Michel Tremblay). Il ne faisait pas un très gros salaire.

Pourtant, ma sœur et moi sommes allés à l’Université.

On s’est débrouillé. On a eu des prêts, on a travaillé pour payer nos études (camelot, commis de bureau, vendeur de pop-corn au Forum)…

J’ai vécu à sept dans un appartement, j’ai mangé du macaroni au fromage, je prenais le métro et l’autobus. Bref, je me suis relevé les manches.

Je voulais aller à l’université, et rien n’allait m’arrêter.

Les gens qui habitaient mon quartier avaient accès aux mêmes programmes de prêts que moi, aux mêmes frais de scolarité peu élevés, pourtant, je peux compter sur les doigts d’une main ceux qui ont fait le saut. Pourquoi? Ils n’avaient pas d’argent?

Non, ils vivaient dans les mêmes conditions que moi.

La raison, c’est qu’ils s’en foutaient. Ça ne les intéressait pas. Aller à l’université leur semblait une effroyable perte de temps. Du niaisage. Du gossage de poils de grenouilles.

Une question de valeurs

Toutes les études le disent : ce n’est pas parce que les frais de scolarité sont peu élevés que les gens des milieux modestes vont à l’université. Tous ceux qui vous disent le contraire mentent.

Vous savez pourquoi je suis allé à l’université? Ce n’est pas une question de fric. C’est une question d’environnement familial.
Ma mère et mon père nous ont toujours encouragés à poursuivre nos études, même s’ils avaient quitté l’école alors qu’ils étaient très jeunes.

Mes parents ne lisaient pas beaucoup. Pourtant, chaque fois qu’ils allaient faire l’épicerie, ils m’achetaient un fascicule de l’Encyclopédie Alpha (au lieu d’un paquet de cigarettes ou d’un six-pack de bière).

Pourquoi? Parce qu’ils savaient que MOI j’aimais lire.

C’est pour cela que j’ai eu le goût de poursuivre mes études. Pas parce que l’université coûtait deux dollars de moins par semaine!

En maintenant les frais de scolarité extrêmement bas, comme c’est le cas maintenant, on n’encourage pas les « pauvres » à aller à l’université (de toute façon, en général, ils n’y vont pas). On subventionne les gens qui ont les moyens d’y aller!

Ne serait-ils pas mieux de hausser les frais de scolarité et de prendre une partie des sommes amassées pour aider ceux qui en ont vraiment besoin?