Le déclin du respect de l'opinion des autres

Toula Foscolos

Toula Foscolos
Publié le 28 mai 2012
Le Messager Week-End

EXTRAITS

Avez-vous remarqué qu’après une centaine de jours de conflit, nous nous sommes enfoncés dans cette zone grise où ce qui désormais fait la une des médias n’est plus le problème en soi, mais bien les insultes qui fusent de part et d’autre. Au fil des semaines, surtout depuis la promulgation de la loi spéciale, le discours est devenu plus venimeux et plus mesquin que jamais.

Rima Elkouri de La Presse faisait remarquer : «On s'embarrasse de moins en moins de civilités. On confond les insultes et les arguments. On s'attaque aux gens plutôt qu'à leurs idées.»

Twitter déborde d’injures de tous genres. Plusieurs étudiants ont appelé au boycottage pur et simple de La Presse, qui a diffusé un sondage des plus douteux sur le conflit, et du festival Juste pour rire, parce que son fondateur, Gilbert Rozon, a critiqué le mouvement étudiant. La chroniqueuse Sophie Durocher du Journal de Montréal s’est fait injurier et traiter de tous les noms durant des marches populaires parce qu’elle ne supporte pas la cause des étudiants.

Nous venons de pénétrer dans le monde merveilleux du dogmatisme, cette doctrine pratiquée par des êtres prétendant posséder la vérité absolue. Le mouvement étudiant est devenu dogmatique en ce qu’il dit représenter tous les Québécois insatisfaits du statu quo, pendant que le gouvernement l’est tout autant en foulant les droits démocratiques les plus fondamentaux comme le droit de protester et de manifester.

Il est facile et paresseux intellectuellement de dénigrer son adversaire par des propos fallacieux, des demi-vérités, des attaques personnelles et la diabolisation de l’autre. Il est inquiétant de constater que la théorie à la Bush du «vous êtes contre nous ou avec nous» prévaut désormais depuis un certain temps.

Mais il n’y a pas de place en démocratie pour le dogmatisme. L’heure du dialogue respectueux et de la flexibilité a sonné. L’Histoire a prouvé que la désobéissance civile peut conduire à la violence. Et nous ne sommes pas immunisés contre ce genre de situation.

Le processus démocratique a été pris en otage par ceux qui crient le plus fort dans les deux camps. Et j’en ai assez.

Que cela vous plaise ou non, nous avons assisté au cours des 100 derniers jours à des actes répétés de désobéissance civile. C’est à la fois déconcertant et inspirant. La démocratie, aussi imparfaite soit-elle, est le meilleur système que je connaisse.

Aucun changement ne se produit en douce. Il faut parfois crier pour se faire entendre, mais peut-on le faire avec respect?

Attaquez-vous au problème, pas aux individus. Débattez des enjeux plutôt que de distribuer des coups en bas de la ceinture. Cela abaisse le niveau intellectuel du discours.

La dissidence devrait être accueillie avec bienveillance en démocratie. Mais la liberté d’expression ne donne pas droit à la diffamation.

Finalement, ce qui importe ici est de progresser ensemble et non pas de décrocher une sorte de victoire arrogante.