Le bulletin scolaire

Ce n'est pas pertinent de montrer aux élèves que la compétition existe dans le vrai monde?

L'école des fans

Richard Martineau
Le Journal de Montréal
04/06/2007

Devant la pression populaire, le gouvernement Charest a donc décidé de changer les bulletins, de remplacer les lettres par les bons vieux pourcentages (une décision qui, dans mon livre à moi, mérite A+), d'inclure les moyennes de groupe et de faire redoubler les élèves qui ne répondent pas aux exigences.

Tout le monde applaudit cette décision chaleureusement.

Tout le monde? Non: un groupe de lologues irréductibles continuent de faire la moue et de bouder dans leur coin.

C'est le cas de Jean-Pierre Proulx, professeur à l'Université de Montréal, qui, jeudi dernier, disait à mon confrère Jean-Philippe Pineault que «la décision de revenir aux moyennes de groupe a un mauvais effet. Ça accentue la compétition et ce n'est pas quelque chose de pertinent en éducation».

Pardon? Ce n'est pas pertinent de montrer aux élèves que la compétition existe dans le vrai monde?

Merde, qu'est-ce qu'ils font, alors, dans les cours de gymnastique, quand les enfants jouent au basketball ou au handball?

Ils font gagner les deux équipes?

Ils ne comptent pas les points?

Ils retirent les bons joueurs du terrain pour que chaque élève puisse compter un but?

Ils applaudissent chaque fois qu'un joueur échappe le ballon (pour ne pas qu'il se sente diminué) et huent chaque fois qu'un joueur compte un but (pour ne pas qu'il ait la grosse tête)?

La vraie vie

Il y a deux façons d'élever des enfants: les surprotéger, les garder dans la ouate, les retirer du vrai monde et leur faire croire que la vie est un conte de Walt Disney. Ou leur montrer comment ça se passe pour qu'ils puissent affronter la vraie vie.

Personnellement, je penche pour la deuxième option.

C'est plate, je le sais, mais la vie EST une compétition. Regardez ce qui se passe pendant la période des inscriptions: les parents sont prêts à s'entretuer pour s'assurer que leurs bambins décrochent une place dans une bonne école. Et vous croyez que les enfants ne le remarquent pas?

Voyons!

Vous pensez que c'est bien préparer les enfants à la vraie vie que de leur faire croire que tout le monde est égal, qu'ils ne seront jamais jugés sur leur performance et qu'ils ne se feront jamais dire Non du moment qu'ils sont gentils et qu'ils se brossent les dents deux fois par jour?

Vous pensez que les enfants ne se regardent pas, ne se jugent pas et ne se comparent pas?

Mesurer le chemin parcouru

Bizarre, l'école, quand même.

On parle du sida aux enfants, on leur explique l'ABC de la contraception, mais on ne veut pas qu'ils puissent comparer leurs notes à la moyenne du groupe parce que ça va les traumatiser et les décourager...

«Tu as 32 % en maths? Ah, ne t'en fais pas, mon ti-pit, c'est correct. C'est quand même mieux que 31 %, non? Maman te trouve ben bon, c'est ça, l'important...»

Wow! Ça va faire des enfants forts, ça...

Et puis, avoir 65 % quand la moyenne du groupe est de 82 %, ce n'est pas comme avoir 65 % quand la moyenne du groupe est de 72 %. Ça relativise, ça met les choses en perspective et ça nous aide à mesurer le chemin qui reste à parcourir...